Meine Trauer wird dich finden - 3

Je viens de terminer le chapitre 6 du livre de Roland Kachler "Meine Trauer wird dich finden". Après les deux précédentes notes de lecture [1] et l'exercice sur la mémoire éveillée par une photo [2], je vais aborder ici les chapitres 4 à 6, qui m'ont ramenée au moment du décès de Sonia, sur les lieux de connexion avec elle et dans mes souvenirs. 

De l'instant du décès à la tombe

Pour Roland Kachler, la relation débute dans les premiers instants après la constatation du décès. Je crois que j'avais évité de les revivre. Je me suis rappelée son visage serein, évoquant une reine déterminée [3]. 

Ce n'était pas Sonia, telle que je l'ai connue vivante. Ce n'est pas une photo, ni une simulation, un esprit, un ange ou un fantôme. Même morte, elle restait ma fille, un corps que je pouvais toucher, un visage que je n'oublie pas. 

Comme Roland Kachler, le moment où le cercueil fut fermé a été terrible. Je connaissais l'heure exacte où ça se produirait. Je la redoutais. Je me demandais pourquoi il fallait visser le couvercle refermé en présence d'un policier ou d'un huissier, je ne sais plus plus. Elle n'allait pas s'échapper !  Il y a eu la crémation, puis l'inhumation un mois plus tard. [4] 

Pour Roland Kachler, le lien qui s'établit avec la personne décédée commence lorsque l'on regarde le cadavre (die Leiche) dans le cercueil (der Sarg) ouvert, avant les derniers adieux. Il est impossible à ce moment là d'être dans le déni, le désir de parler de Sonia, de raconter son histoire étaient bien là, germe de la relation future. Je me souviens que le créneau d'une heure de visite par jour au funérarium me semblait trop court.  

Les lieux de connexion

Lorsque je vais au cimetière, ce n'est pas tout à fait pareil. En arrosant les fleurs, en observant les insectes, c'est un dialogue silencieux qui s'établit avec Sonia, défenseure de l'environnement  : 

"Tu vois, il y a de la vie. Des tes cendres, au fil des années, la biodiversité émane, comme tu le souhaitais." 

Je ne me souviens pas avoir pleuré, ou peut-être une fois. Mais comme pour Roland Kachler, c'est un lieu consacré au deuil, qui permet de reprendre une activité normale après. 

Comme exercice, le psychologue propose de lister d'autres lieux qui sont des endroits de connexion avec la personne décédée. Je l'ai fait sur l'origami que j'étais en train de plier et... comment dire... alors qu'au début je pensais uniquement à sa chambre, à la salle de bain... au bout de quelques heures, j'en avais énuméré une trentaine, qui avaient été témoins de moments forts passées toutes les deux. 

Ces lieux peuvent aussi bien être réels, comme la place du Trocadéro où en 2010 elle avait tenu fièrement une pancarte pour célébrer les droits de l'enfant, comme virtuels à l'instar des mondes qu'elle a créés dans Minecraft que j'adore explorer à la recherche de ce qu'elle a créé. 

Il y a certains lieux qui dès le début ont été des refuges comme le fond d'un pré à Frangy-en-Bresse où Sonia passait des heures à rêvasser [5]. 

 

D'autres lieux correspondent à des portes, comme celle du cinéma Pathé de Massy, qu'il fut difficile de franchir une première fois, tellement elles étaient chargées de souvenirs, mais qui ne me posent plus de problème aujourd'hui. [6]

Je me rends compte que même un crapaud dans une mare évoque Baït, donc le Prince des Dragons, donc Sonia. 

 

Vivre avec le souvenir

Une photo, une musique, une odeur, le toucher d'un vêtement ou d'un objet lui ayant appartenu, le goût des crêpes ou des spaghetti, les cinq sens permettent d'entretenir la mémoire et de renforcer ce lien avec la personne disparue. 

Après le chapitre 4 un peu dur, le chapitre 5 plus facile, le chapitre 6 de "Meine Trauer wird dich finden" m'a fait du bien. J'ai été partagée entre le désir d'avancer la lecture le plus vite possible et celui de m'interdire de continuer tant que je n'aurais pas passé du temps sur chaque exercice, par exemple en réalisant un "Erinnerungsshatzkästchen". Le mot ne figure pas dans le dictionnaire, mais j'aime beaucoup cette idée de coffre (Kästchen) au trésor (Shatz) avec des souvenirs (Erinnerungs). Enfin, je crois que c'est un peu l'idée même si j'ai deviné le sens surtout lorsque plus loin, il évoque une clé que l'on garde toujours sur soi pour pouvoir l'ouvrir en cas de besoin.   

Je me suis dit que ça pourrait être une clé USB avec des photos, des textes, des dessins de Sonia à emmener sur Mars en cas de catastrophe climatique sur Terre... Peut-être pourrais-je ajouter quelques graines de tournesol... 

 A suivre... 

1. E. Piotelat, Meine Trauer wird dich finden  - 1, 05/2025
2. E. Piotelat, Ich sehe dich, wie Du..., 05/2025
3. E. Piotelat, Autour de la mort..., 08/2020
4. E. Piotelat, Inhumation, 07/2020
5. E. Piotelat, Des fêtes, 07/2020
6. E. Piotelat, Suzume, 05/2023