L'école élémentaire des Avelines

Quelqu'un a publié cette citation de Daniel Pennac sur Facebook.

 "Tout le mal qu'on dit de l'école nous cache le nombre d'enfants qu'elle a sauvés des tares, des préjugés, de la morgue, de l'ignorance, de la bêtise, de la cupidité, de l'immobilité et du fatalisme des familles". 

J'ai fondu en larmes en lisant ça et n'ai pu m'empêcher de réagir très violemment en pensant à tous les enfants des Ulis que l'école des Avelines a détruits. Quand elle était très en colère, il arrivait que Sonia ait des envies de destruction, afin que plus aucun enfant ne souffre à l'école élémentaire des Avelines.

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle a envoyé Sonia à la morgue à cause de l'énorme culpabilité qui est la mienne. Je n'oublierai jamais la phrase que Sonia m'a dite pendant le confinement [1] : 

"Quand j'étais petite, tu étais une connasse, toujours du côté des animateurs et des enseignants. Maintenant, ça va, tu es quelqu'un de bien."

En général, j'étais une connasse, dès le jour de la rentrée. Sonia rentrait avec un premier avis en général assez catégorique du style "La maîtresse est une Barbie", en me décrivant ses talons, son accoutrement de petite fille, ou me racontant mot pour mot une réflexion qu'elle avait faite à un élève. 

Moi, je jouais l'avocat du diable, avec des arguments du style :

"Elle ne peut pas être complètement idiote, elle a passé un concours pour avoir ce poste". 

Oui, j'étais une connasse... Il y a un an, une directrice d'école, Christine Renon s'est suicidée. Dans sa lettre, elle écrit : 

"A la rentrée, les personnels non nommés qui se présentent dans les écoles sans que les inspections locales soient au courant, la course aux enseignants faite par l'inspecteur et moi-même le samedi pour le lundi [..] tout cela concourt au stress des directeurs". 

Sonia a eu 2 enseignantes en CP/CE1, 2 en CE1 (congé de maternité), 2 en CE2, 1 en CM2. Dans le lot, il n'y a eu que l'enseignant de CM2 qui l'a aidée à progresser, ça fait 1/7. Il n'y en a que 85% qui l'ont détruite, l'ont humiliée, ne l'ont pas aidée à progresser. Combien avaient réellement passé un concours ? Je me souviens avoir expliqué à l'une de ses institutrices de CE1 comment poser une multiplication... 

Elle n'est pas la seule dans ce cas. Depuis la publication du billet sur le SARS-Cov2 à l'école des Avelines [3], j'ai reçu d'autres témoignages de parents dont l'enfant a été détruit par un ou une enseignante de l'école des Avelines. 

J'ai été parent déléguée, j'aurais dû le voir ! J'ai été aveuglée par des sourires de Barbie. Fin CE2, Sonia a passé des tests qui ont révélé qu'elle était précoce. Je me suis dit que c'est à cause de sa précocité qu'elle trouvait les enseignants idiots. Quand un de ses camarades me disait "La maîtresse elle est nulle, elle ne parle même pas arabe", je répondais qu'elle ne pouvait pas tout savoir. En fait non, la maîtresse était nulle. Sinon, elle ne serait jamais restée aux Ulis. Qu'il soit précoce ou bilingue, quand un enfant de 8 ou 9 ans trouve l'institutrice ignorante, c'est qu'il y a un vrai problème... 

"Quand j'étais petite, tu étais une connasse, toujours du côté des animateurs et des enseignants. Maintenant, ça va, tu es quelqu'un de bien."

A côté de la porte de l'entrée, il y a la liste des élèves et de leur classe. Je ne suis même pas certaine que ce soit conforme au RGPD dont se plaignait Christine Renon [2]

"Encore du travail avec le RGPD, et encore, je n'ai pas à me plaindre, cette année, j'ai retrouvé une décharge complète."

Sur les 7 enseignants qu'a connus Sonia, seuls 3 sont encore à l'école. Est-ce de la charité chrétienne ? Sonia se plaignait souvent des préjugés des institutrices qui les considéraient comme des sauvages n'ayant aucun livre, aucun crayon à la maison. Ceux qui restent se sentent peut-être investis d'une mission évangélique afin de convertir ces barbares ou n'ont peut-être pas assez de points pour partir ailleurs ?

Quand elle était à l'école, Sonia ne se rendait sans doute pas compte du racisme derrière ces comportements. Ce n'est que récemment qu'elle a réalisé à quel point les enseignants des Avelines étaient imbus de préjugés. 

Après la crémation, quelqu'un m'a rapporté des propos des enseignants : 

"Elle n'est pas blanche, elle ne peut pas être précoce." 

Je n'aurais jamais imaginé qu'ils puissent penser ça, mais évidemment, je me souviens maintenant du directeur qui m'avait demandé de ne pas ébruiter le fait qu'elle saute une classe, parce qu'il n'avait pas envie de voir tous les parents débouler dans son bureau. Il venait de découvrir qu'un enfant surdoué n'était pas le petit blondinet premier de la classe qui restait sage dans son coin... La psychologue qui avait testé Sonia m'avait aussi avertie qu'elle avait souvent du mal à expliquer à certains enseignants que tel enfant était très intelligent. Préjugés, préjugés...

"Quand j'étais petite, tu étais une connasse, toujours du côté des animateurs et des enseignants. Maintenant, ça va, tu es quelqu'un de bien."

Est-ce que la situation a vraiment changé ? Vendredi midi, quand les enfants jouaient dans la cour, ils respectaient naturellement les distances de sécurité, couraient les uns après les autres, parlaient en petit groupes.


Il n'y a que quand ces inconscients d'enseignants les contraignent à se mettre en rang 2 par 2 qu'ils sont les uns à côté des autres. Seuls deux ou trois restent à l'écart, loin derrière le rang. Comment ces professeurs des écoles peuvent-ils être aussi idiots, inconscients du danger, irresponsables? J'ai l'impression qu'ils n'ont rien compris à la propagation du SARS-Cov2. Ils n'ont lu aucun article sérieux, n'ont vu aucun spot publicitaire. 

Vendredi dernier, j'ai pris quelques photos depuis mon balcon. 

Vendredi 04/09. 8h39

A 8h42, j'ai été agréablement surprise de constater que 3 enfants refusaient d'obéir bêtement aux enseignants et respectaient les distances de sécurité. 

Vendredi 04/09. 8h42

Mais quelques instants plus tard, j'ai constaté une tache orange. 

Vendredi 03/09 8h43

Certes, je n'ai pas vu d'enfant vomir ou avoir la diarrhée. Ça peut être du jus d'orange, voire une tentative de destruction de l'école par Toph, un personnage d'Avatar le dernier maître de l'air, qui n'aurait pas pu être scolarisé car aveugle. C'est quand même pas aux enseignants de prendre en charge le handicap [4] ! 

Et c'est sans doute Toph, qui maîtrise la terre, qui a eu l'idée géniale de mettre du sable sur le vomi / caca / jus d'orange (rayer la mention inutile). 

Vendredi 4/09 : 8h45e

Cela faisait près de 15 minutes que les enfants étaient en rang sans pouvoir rentrer. On ne sait pas si les enseignants ont passé un concours pour arriver à l'école des Avelines ou si le directeur a appelé en catastrophe l'inspecteur pour chopper quelqu'un qui voudrait bien enseigner ici, mais ce qui est certain, c'est qu'ils n'ont rien compris aux gestes barrière... 

Le sable a eu toute la journée pour absorber le vomi / caca / jus d'orange (rayer la mention inutile).  

Vendredi 4/09. 8h45

Samedi matin, il était encore là... Le vent l'avait un peu dispersé... 

Samedi 5/09. 8h. 

Actuellement (dimanche 16h30), rien n'a changé... Qu'une personne (enseignante, femme de ménage, etc...) mette du sable pour dissimuler une odeur ou absorber un liquide, pourquoi pas. Mais qu'elle le laisse ainsi toute la journée est irresponsable, surtout en période de pandémie. C'était peut-être trop compliqué de prendre une pelle et un balai ? Ces outils précieux étaient peut-être dans une pièce dont elle n'avait pas la clé. Et puis à 16h30, elle avait autre chose à faire. Il fallait vite qu'elle quitte ce monde sauvage des Ulis pour retourner dans sa villa.  

J'imagine en plus que l'éducation nationale n'a pas rédigé de consigne en cas de vomissement dans la cour [5]. Donc pourquoi prendre une initiative ? 


Au lieu de publier un billet et de râler, j'aurais pu continuer à être une connasse. J'aurais pu appeler l'école pour leur demander s'il y avait des cas de COVID19. Ils m'auraient gentiment répondu avec un sourire de Barbie que c'était du jus d'orange ou que le sable amortissait les chutes des élèves. C'était pour leur sécurité. 

Lorsque j'étais parent déléguée, je me souviens de la réticence des enseignants à communiquer. Ils avaient souvent des arguments du style "Les parents sont illettrés, ils ne lisent pas le français". Comment ai-je pu accepter ça ? 

"Quand j'étais petite, tu étais une connasse, toujours du côté des animateurs et des enseignants. Maintenant, ça va, tu es quelqu'un de bien."

Alors, oui, même si ce billet ne fera pas plaisir à tout le monde, je décide de le publier, avant tout pour que les parents des Avelines ne fassent pas les mêmes conneries que moi. Dès le CP, ils doivent demander un saut de classe s'ils se rendent compte que l'enfant s'ennuie ou trouve que "la maîtresse est nulle". Ils doivent être vigilants sur tout ce qui est lié à la santé. Peut-être que si l'enfant arrive à 9h, il aura le temps de digérer et ne restera pas en rang pendant 15 minutes. Pour ce déresponsabiliser, les enseignants ne manqueront pas d'accuser les parents d'avoir envoyé à l'école leur enfant malade. Peut-être même encourageront-ils les autres élèves à harceler cet enfant et à le mettre à l'écart, comme ils l'ont fait avec Sonia qui avait "beaucoup de cheveux". [3]

Je généralise. Sur les 13 enseignants de l'école des Avelines, il y en a peut-être un qui correspond à la définition de Pennac (ça s'était très bien passé pour Sonia en CM2), mais ce n'est pas une raison pour se laisser abuser par les sourires de Barbie et les propos conciliants. Il faut défendre son enfant coûte que coûte. Je ne l'ai pas fait. Il ne me reste que mes larmes pour pleurer sur sa tombe [6]. 

Je viens de terminer les trois saisons de "Avatar the last airbender" (ça se voit un peu dans ce billet) et le recommande à tous, y compris aux enseignants. Ils apprendront qu'en enfant peut être très fort, même s'il n'est pas blanc ou possède un handicap [7]. 


  1. E. Piotelat, Egoïsme maternel, 08/2020
  2. Courrier de Christine Renon. 21/09/2019
  3. E. Piotelat, En rang 2 par 2 avec le SARS-Cov2, 09/2020
  4. C. Rogeret. Déficience mentale à l'école : 50 % des Français contre!
  5. Covid symptoms: diarrhoea and vomiting may be key sign of coronavirus in children – study
  6. S. Vatomsky. Debunking the Myth of 19th-Century ‘Tear Catchers’, 05/2017
  7. A. Khan, 'I've seen grown men cry' – why Avatar: The Last Airbender still touches millions, 09/2020

Commentaires

Armelle ROUAULT a dit…
Je n'ai pas votre expérience de l'École des Avelines mes enfants étaient au Bosquets mais dans les années 1979 et 80 - 81 cependant cela ravive des souvenirs et concerne aussi mes petits petits-enfants dans le Var Ma fille pendant toute sa solidarité a eu 2 enseignantes extraordinaires une en petite section de maternelle elle adaptait le programme à la demande des enfants et avait 3 groupes de niveaux, et en 1ère année de CAP comptabilité une personne extraordinaire qui a réconcilié ma fille avec l'école au LYCEE DE L'ESSOURIAU elle pu continuer jusqu'au BAC et après mais c'est tout, c'est peu. En fait on doit porter nos enfants les défendre coûte que coûte ET se battre contre les enseignants.
Anonyme a dit…
Toutes mes condeleance été curage vous avez du courage de divulgùe tout cela 😭
Elisabeth a dit…
Au lieu d'écrire "Liberté, Egalité, Fraternité", des mots compliqués, on devrait inscrire au fronton des écoles en gros : "On ne laisse pas souffrir un enfant."

Ca mettrait aussi en évidence qu'à partir du moment où un enfant franchi le portail, il est sous la responsabilité d'adultes qui doivent assurer son éducation, mais aussi sa santé.

Le problème, ce n'est pas Alice qui harcèle ou Bob qui frappe, ce sont les adultes qui laissent faire, ou pire qui accusent la victime.