Mémoires de l'Arcadia

 En 2020, certaines choses m'ont échappées. Par exemple, le troisième tome des "Mémoires de l'Arcadia" a été publié. Les deux précédents, publiés en 2019 n'avaient pas non plus attiré mon attention. Comment est-ce possible ? 


En 2020, il y a eu le confinement, les librairies fermées, puis le décès de Sonia. C'était elle qui me tenait informée des dernières sorties BD, soit en ramenant un magazine publicitaire comme "Zoo" de Canal BD à Orsay, soit en me signalant "J'ai vu une BD qui devrait te plaire". Parfois, elle achetait la BD, sachant que j'allais la rembourser. 

Le capitaine Albator m'a surpris au rayon BD de la librairie "Le Jardin de Thierry" [2] il y a quelques semaines, un peu comme si une bonne âme avait mis ces "mémoires de l'Arcadia" sous mes yeux. J'ai pensé qu'il s'agissait d'une nouveauté jusqu'à ce que je regarde la date de sortie après l'avoir lu.  Émerveillée par le graphisme, j'ai recherché si les tomes suivants avaient été publiés et j'ai commandé les deux suivants [3] [4].

Albator est plus beau que dans ma mémoire. Ce qui m'a de suite plu dans cette version, c'est le nom des personnages. Ils ont perdu les prénoms idiots de la version française (Alfred, Clio, etc...) au profit des noms originaux (Yattaran, Mimé, etc..) [5]

Cette BD est sans doute accessible pour quelqu'un qui n'aurait pas vu Albator dans sa jeunesse (ou actuellement sur France TV), mais les 3 tomes s'adressent clairement aux fans de Leiji Matsumoto. Quel plaisir de retrouver Maetel et le Galaxy Express 99 dans le tome 2 !


Dans le tome 3, c'est Emeraldas qui laisse deux roses dans l’îlot de la mort. Albator les donnera les deux à Mayu (Stellie), la plus grande ira sur la tombe de Tochiro, la plus petite s'épanouira sur Terre comme la fillette. 



Jérôme Alquié porte un regard d'adulte sur l'oeuvre qui nous a vu grandir. Certains aspects m'avaient paru évidents très tôt : se battre pour ses convictions, défendre la liberté, protéger la planète pour que des enfants puissent y vivre, etc... Cependant, je n'avais jamais prêté attention au deuil, à l'importance qu'il a dès le premier épisode. Alors qu'il sait qu'il risque sa vie, Albator redescend sur Terre pour offrir un ocarina pour les 7 ans de Mayu. On voit ensuite la fillette cueillir des fleurs et les déposer sur la tombe de son père. 


C'est ce moment là que choisit l'armée pour pointer ses canons sur Albator. Et l'enfant ? Dans toute guerre il y a des dommages collatéraux dira plus tard le premier ministre. 


Enfant, cette scène ne m'avait pas marquée plus que ça, alors qu'aujourd'hui, je réalise sa puissance. Le fait qu'il y ait une tombe ou autre chose derrière Albator n'avait aucune importance, la seule chose qui me semblait injuste en 1978, c'est que l'attaque se passe pour l'anniversaire de Mayu. C'était sans doute aussi parce que ma grand-mère Yvette nous emmenait au cimetière en vélo chaque fois que nous étions en vacances chez elle. Déposer des fleurs sur une tombe était aussi naturel que de souffler des bougies. 

Les épisodes suivants sont centrés sur la dépression puis l'envie de vengeance de Tadashi Daiba (Ramis) suite à la mort de son père. Quand Albator le rencontre pour la première fois devant le cadavre du professeur abattu par les Sylvidres, il lui demande de mettre une cassette dans l'enregistreur. Devant ses hésitations et ses larmes, il lui dit :  
Réagissez en homme ! Se révolter devant la mort est négatif.
Jérôme Alquié explore ce besoin de vengeance au fil du scénario, qu'il s'agisse de la destruction d'une planète ou de la mort d'une personne aimée. 

Que dire du 41ième membre de l'équipage ? Petite je n'avais pas vraiment compris qui il était. Je savais qu'il avait construit l'Arcadia, que c'était le père de Mayu et l'ami d'Albator, mais tout ce que faisait le vaisseau de son propre gré relevait un peu de la magie. Albator le présente en disant : 
Son corps est mort, mais ses idées vivent encore

Aujourd'hui, le message me semble limpide. Le corps de Sonia est mort, mais ses idées alimentent encore la plupart de mes réflexions, un peu comme si elle était co-autrice de ce blog. Elle est aussi présente dans l'appartement que Tochiro dans l'Arcadia. 


Jérôme Alquié dessine la mémoire de l'Arcadia avec des photos de Tochiro et la symbolise avec un transfert de données entre l'îlot de la mort et le vaisseau. Le numérique a métamorphosé la manière d'appréhender la mort. On peut écouter une voix, regarder des films du passé, mais aussi utiliser l'IA pour calculer les actions d'une personne dans le futur, que ce soit les séries Netflix qu'elle regarderait [7] ou la manière dont elle piloterait vaisseau spatial. 

Les trois tomes ont été supervisés par Leiji Matsumoto. On sent un énorme respect de la part de Jérôme Alquié pour le maître, mais aussi pour les fans devenus adultes et aptes à appréhender une autre lecture de l'oeuvre suite aux épreuves traversées. 



 

  1. Nouveauté 2019 : Albator, mémoires de l'Arcadia
  2. Jérôme Alquié, mémoires de l'Arcadia - Tome 1, Kana, 06/2019
  3. Jérôme Alquié, mémoires de l'Arcadia - Tome 2, Kana, 11/2019
  4. Jérôme Alquié, mémoires de l'Arcadia - Tome 3, Kana, 11/2020
  5. Liste des personnages d'Albator (Wikipédia)
  6. E. Piotelat, Au-revoir mamie !, 07/2016
  7. E. Piotelat, Vie numérique éternelle, 07/2020

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