Aujourd'hui, il a fait beau, comme le 13 novembre 2015. Plus beau ? Peut-être, enfin là n'est pas l'important. Ce qui compte, c'est que l'on n'oublie pas. Ces événements nous ont changés. Je n'ai lu que deux romans de cette rentrée littéraire : d'abord "Le train d'Erligen" de Boualem Sansal [1], puis "Vivre ensemble" d'Emilie Frèche [2], mais je sais que des tas d'autres ont les attentats comme décor, ou comme intrigue.
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Dans ce billet, je vais utiliser de larges extraits de ces deux romans, donc fermez cette fenêtre si vous avez l'intention de les lire !
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La littérature, c'est peut-être ce qu'étudieront les chercheurs des siècles futurs pour comprendre, non pas la chronologie des événements, mais le ressenti de chaque individu, les modifications infimes ou immenses de chaque électeur, qui auront sans doute abouti à des changements sociétaux, surtout quand les enfants, les ados, les jeunes adultes de 2015 seront amenés à choisir leurs présidents, à diriger des société, à prendre des décisions.
Le vécu
Dans les deux romans, les événements du 13 novembre sont décrits. Pierre et Déborah sont des témoins directs, au cœur de Paris dans le roman d'Emilie Frèche.
L'endroit s'appelait L'Amarré. Ils ne le connaissaient pas. Ils l'avaient choisi par hasard parce qu'il se trouvait sur le chemin de leur balade, mais ils auraient pu tout aussi bien s'attabler un peu plus bas, à la Bonne Bière et ne plus être là. (E. Frèche, p 12)
Si avec l'attaque de Charlie Hebdo, le citoyen lambda pouvait se cacher derrière un "J'ai rien fait. Je ne suis pas journaliste. Je ne risque rien.", les attaques frappant n'importe qui au hasard nous a transformés tous et toutes en cible, exactement au même niveau que les caricaturistes.
Image publiée dans le billet Fluctuat nec mergitur 15/11/2015 |
Dans "Le train d'Erlingen", Léa, habitante du 9-3, échange avec sa mère, Elisabeth, qui est en Allemagne le 13 novembre mais décidera de rentrer.
Les morts se sont ajoutés aux morts, les pleurs aux pleurs, les cérémonies aux cérémonies, toutes bien dignes, pleines de silences et de non-dits. (B. Sansal. P181)
Marche pour le climat, 3/12/2015 |
Dans les jours qui suivirent, la France se couvrit de points de recueillements et d'émotion, où d'heure en heure s'amoncelaient bouquets de fleurs, bougies multicolores, gentilles peluches et beaux billets pleins d'affection et de solidarité sous le regard pudique des caméras. (B. Sansal. p182)
Marche pour le climat, 3/12/2015 |
Comment réagir ? L'amour.
Dans Vivre ensemble, Déborah et Pierre vont emménager ensemble et s'aimer.De SETI@HOME à #Opparis, 21/11/2015 |
Emilie Frèche démontre que ça ne marche pas, que ça ne peut pas marcher. Page 253, elle pose la quesion "Qui a introduit l'expression vivre-ensemble dans le champs politique ? ". C'est Françoise Gaspard [3], qui a nommé ainsi une liste PS face à une liste d'union RPR-FN lors des élections municipales à Dreux, en 1983.
Oui, oui, vivre ensemble... Voilà le mot magique qu'ils avaient trouvé, à gauche, pour lutter contre l'extrême droite, et alors que l'extrême droite ne cesserait plus jamais de progresser, la gauche, elle, resterait fidèle à son plan de bataille, répétant comme un mantra vivre-ensemble, vivre-ensemble, le répétant toujours plus fort et toujours plus souvent, jusqu'à cette année 2015 qui aura sans doute été l'année du vivre ensemble par excellence, celle où le mot aura figuré dans chaque article, chaque conversation, chaque discours, alors que les terroristes nés bien après 1983 tuaient d'autres Français à bout portant, simplement parce qu'ils étaient journalistes, flics et juifs - le vivre-ensemble avait bien fait ses preuves. (E. Frèche p255)
Caricature et pudeur, 1/08/2015 |
Comment réagir ? La lutte.
Boulem Sansal a la même analyse critique de la gauche et de son action en 2015.
Quelle douleur et quelle terrible humiliation de voir son pays à genoux, tremblant de peur, implorant protection et grâce, et quelle insupportable honte d'avoir des dirigeants aussi nuls. Les peuples, qui après tout méritent ce qui leur arrive, ne devraient jamais accepter de se laisser gouverner par des mauviettes. Mourir de leur insignifiance, c'est mourir deux fois. (B. Sansal p181).
En effet, on a vu à quel point la loi liberticide sur le renseignement votée en mai 2015 nous a protégé !
Orage sur nos libertés, 5/5/2015 |
Elisabeth Potier, l'héroïne du Train d'Erlingen, ne peut rester les bras croisés.
Le lendemain, maman a sauté dans le premier train pour Paris. C'est une vieille France qui parle en elle, quand le pays est attaqué, on ne court pas chez le fleuriste, on ne porte pas le deuil, on ne pleure pas, on enfile son jean, on chausse ses bonnes godasses de randonneur et on va se mettre dans la queue devant la caserne pour monter au front ou se mettre en blouse et foncer à l'hôpital le plus proche du champs de bataille pour donner son sang et veiller les blessés.
Son action consistera à brandir quelques pancartes militantes devant le Bataclan.
République, où es-tu ? 6/12/2015 |
Si elle avait été plus jeune, plus connectée, peut-être aurait-elle agit au sein de la Katiba des Narvalos ou de la Katiba des Kuffars, avec tous ces citoyens qui depuis trois ans (et souvent bien plus) endiguent la propagande djihadiste ?
L'humour pour combattre Daesh, 12/2015 |
Never forget
Nous sommes en train d'écrire l'histoire. Que le support soit un roman, un journal, un blog, un réseau social, raconter comment la mémoire du 13 novembre 2015 se dissipe ou s’amplifie doit être une espèce de thérapie de groupe. Les uns lisent les autres, aiment, commentent, se souviennent, mais n'oublieront jamais.
Triste dimanche 16/11/2016 |
Les romans de cet automne 2018 se complètent, se télescopent, s'interpellent. Les lire fait un bien fou. A part la première, toutes les photos de ce billet ont déjà été publiées, en 2015 ou en novembre. Ce retour était nécessaire. Pas la peine de redire ce qui a déjà été publié.
Un éléphant rose vers GJ273, 19/11/2017 |
On n'a plus le temps de dessiner des éléphants roses. Nous tous, qui avons vécu les attentats comme Pierre, Déborah ou comme Léa, Elisabeth, nous avons des choses à exprimer, avec une pensée naïve, militante ou complexe selon le moment. Mais en aucun cas n'est venu le moment de nous taire.
- E. Piotelat, D'Erligen à Frangy en Bresse, 09/2018
- E. Piotelat, Vivre ensemble, 09/2018
- Françoise Gaspard, Wikipédia.
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