Inflation

En début d'année, j'avais pris comme bonne résolution de conserver les tickets de caisse pour mesurer l'inflation. Le vendredi, ma pratique religieuse m'ordonne de manger des spaghettis [1]. Le samedi, je conserve la bonne idée de Sonia consistant à faire des crêpes [2]. Je fais les courses que quand le frigo est vide. Je me disais donc qu'avec ces tickets, je pourrais sur le long terme voir l'évolution des prix des produits nécessaires à ma religion : des œufs, du lait, du beurre, de la farine, des spaghettis, du parmesan et des lardons. 


Retour sur le confinement

Il y a trois ans, le confinement nous avait amenées à faire des stocks et à espacer le plus possible nos sorties dans l'espace, comme des astronautes. Nous y allions à tour de rôle, mesurant, celle qui resterait le plus longtemps à la maison. C'est Sonia qui a gagné en restant à la maison pendant 15 jours entre le 25 mars 2020 (où elle est allée à Carrefour), et le 10 avril (où elle est allée à Franprix). 

Sonia revenant de Carrefour le 25 mars 2020

Je suis allée à Franprix le 31 mars, le 17 avril, et le 9 mai. Sonia y est allée également le 21 avril. Le 5 mai 2020, elle est allée au Casino de Bures, en passant par le parc nord (qui était interdit) tout en se cachant de l'avion qui survolait régulièrement les Ulis (FHZZ pour les intimes). [3]

Nous faisions aussi pousser des tomates, des salades et germer des graines [4]. La fermeture du marché avait été difficile. Aujourd'hui, c'est toujours un lieu ou je prends plaisir à aller, et où les prix défient toute concurrence. 

De quoi manger pendant la semaine pour 30€

Le deuil et les courses

Dans son cahier de vacances pour le deuil [5], Megan Devine fait la différence entre la douleur, normale, inévitable, liée au décès d'un proche et la souffrance que l'on peut esquiver. Tout ce qui nous fait souffrir, c'est la culpabilité, les questions qui tournent en boucle, les conseils que l'on n'a pas demandé, etc... Elle invite à faire un état des lieux sur une semaine, en notant que l'on se sent mieux après une ballade dans la nature ou après avoir papoter avec telle personne, ou moins bien en étant allé dans tel lieu. Une double page est consacrée aux étagères de supermarché. [6] 

Pendant le confinement, nous avions évité Carrefour, car il y avait de longues files d'attente. La veille du décès de Sonia, le jeudi 25 juin 2020, j'y suis allée à 8h, avant de commencer ma journée de télétravail. Je n'entendais pas de bruit dans sa chambre. J'ai supposé qu'elle dormait et je suis partie sans la réveiller, me disant qu'elle pourrait toujours me téléphoner si elle était inquiète de ne pas me voir. Et si je n'y étais pas allée, me serais-je rendue compte qu'elle n'allait pas bien ? M'a-t-elle cherchée ? Un voisin m'avait dit après son décès l'avoir vue devant l'immeuble très tôt le matin un peu perdue le matin même. J'ai supposé que c'était la veille et imaginé qu'elle m'avait cherché dehors, paniquée de ne pas me voir, ou hésitant à aller me rejoindre... Je n'y suis pas retournée pendant plusieurs mois. Ce n'est qu'en lisant Megan Devine que j'ai compris que j'évitais un lieu de souffrance. 

En revanche, je vais régulièrement à Diagonal, où je n'allais auparavant que lorsque c'était la seule épicerie ouverte. Ce n'est pas dans mon quartier, même si ce n'est pas loin. Maintenant, je passe devant chaque fois que je vais au cimetière, et je m'y arrête en général parce que je n'ai plus de lait, de beurre, etc... Je sais que c'est un endroit où peu me connaissaient et où personne ne me fera souffrir en disant : 

"Ta fille, je l'ai vue l'autre jour, comme elle a grandi !" [7] 

Coloriage du "Journal for Grief" et relevé des prix

Et les prix ? 

Si comme le montre le tableau ci-dessus, les prix semblent avoir augmenté, c'est un peu difficile de comparer. Par exemple, je ne vais pas acheter de la farine toutes les semaines, et je ne prends pas toujours les mêmes marques. 

Prix à Carrefour le 5 janvier 2023

Franprix ne donne pas de tickets de caisse sauf si on le demande, et j'y suis allée plus d'une fois en trois mois. Le 25 mars à Carrefour, j'ai acheté le parmesan le moins cher. Ça m'a amusée de voir que celui qui avait une étiquette "prix bloqué" faisait un euro de plus pour la même quantité. 

A Franprix, j'ai remarqué la même chose sur les paquets de 500g de spaghetti. Les prix vont de 1.40€ pour les Panzani à 2.30€ pour la marque Rummo. C'est le plus cher, qui bénéficie d'une promotion : 68% de remise sur le deuxième acheté. 

2.30 * 0.68 = 1.56

Cela fait une remise de 1,56€, soit 0.73€ le second paquet. 

Les deux paquets reviennent donc à 3,12 €, c'est-à-dire un peu plus cher que si l'on avait pris deux paquets d'une autre marque. 


Les promotions chez Franprix concernent aussi des produits de moins bonne qualité. Tant que la quantité de chocolat est identique, ça me va... 


Que conclure ? 

L'inflation est bien là, peu importe l'étagère, mais la publicité autour de cela aussi. Il faut se méfier des promotions, des prix bloqués. Finalement, les crêpes et les spaghettis, c'est pas si cher... Si le jouet à l'intérieur de l'oeuf Kinder est indispensable, dans beaucoup de produits, on paie surtout l'emballage, l'énergie qui a servi à sa production, le chauffage et l'éclairage du supermarché, les salaires des employés. Aller au marché permet de ne payer que la nourriture.  


  1. E. Piotelat, Pastafarisme à la courgette, 08/2012
  2. E. Piotelat, Les crêpes du samedi, 01/2021
  3. E. Piotelat, F-HZLL, C'est quoi cet avion, 03/2020
  4. E. Piotelat, Cosmos, Nikolaï Vavilov, 05/2020
  5. M Devine, How to Carry What Can't Be Fixed: A Journal for Grief,  Sounds True, Incorporated, 05/2021, ISBN 9781683643708
  6. E. Piotelat, Journal de chagrin, 08/2021
  7. E. Piotelat, Dix saisons, 03/2023

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