Bison de Higgs et pipi spatial

Villani à Orsay ou Groethendieck à Palaiseau ? Telle était mon dilemme hier après-midi : faut-il écouter un mathématicien avec un parcours d'excellence à la Française (Louis-Le-Grand, ENS, Assemblée Nationale), ou rencontrer Yan Pradeau [1], professeur de mathématique, auteur d'un remarquable ouvrage sur Alexander Grothendieck, génie, longtemps apatride, à qui l'on doit les maths modernes [2]. Je me suis dit de d'autres iraient écouter le député qui justifie les mauvais résultats aux tests PISA par l'immigation [3].

Prix du livre scientifique

Comme une cinquantaine de personnes, j'ai choisi la rencontre avec les auteurs des livres sélectionnés pour le prix du livre scientifique 2017. [4]

Blandine Pluchet, Yan Pradeau, Pierre-François Mouriaux, David Louarpe et Mathieu Burniat 

Dans la catégorie adultes, le prix a été remporté par David Louarpe, auteur de « Mais qui a attrapé le bison de Higgs ? et autres questions que vous n’avez jamais osé poser à haute voix » aux éditions Flammarion.

Jean-Claude Roynette, remet le pris à David Louarpe

Dans la catégorie jeunesse, c'est Pierre-Francois Mouriaux pour « Comment on fait pipi dans l’espace ? », Fleurus éditions.

L'éditrice heureuse et Pierre-François Mouriaux.

Les questions du public

La question "Comment fait-on pipi dans l'espace ?" est systématiquement posée aux astronautes qui font des conférences à leur retour sur Terre, en général par un enfant, même si souvent, c'est un adulte qui lui a soufflé. Le livre de Pierre François Mouriaux est paru six mois avant que Thomas Pesquet ne s'envole pour l'ISS, ce qui lui a valu un certain succès d'édition.


Journaliste à Air&Cosmos, il est également co-auteur de l'ouvrage magnifiquement illustré "De Gagarine à Thomas Pesquet. L'entente est dans l'espace." écrit avec l'ingénieur Éric Bottlaender.

A Palaiseau, les questions posées aux auteurs étaient d'un autre niveau. L'heure est passée extrêmement vite. Il y avait presque toujours au moins trois mains levées avides de donner une opinion la plupart du temps, ou d'interroger l'incroyable panel présent. 

C'est la première fois que je vois un enfant parler de quark. C'est la première fois que j'entends 5 ou 6 personnes se présenter en disant "Je suis mathématicien.ne" dans une assemblée de 50 personnes.

Poursuivre une constante et donner l'impression au lecteur de comprendre la physique quantique, c'est l'exploit réalisé par la BD de Mathieu Burniat et Thibault Damour [5]. Entendre un enfant parler de quark comme d'un héro, c'est grâce au livre "Le quark et l'enfant" de Blandine Pluchet, titulaire d'un DEA de physique. Magnifiquement illustré par Catherine Cordasco, l'invisible particule prend vie au fil des pages.

"Le quark et l'enfant" de Blandine Pluchet
La bonne vulgarisation scientifique, c'est peut-être ça : mettre des mots comme proton, électron, neutron, neutrino, dans la bouche d'un enfant, lui donner une image, peut-être pas tout à fait exacte, mais qui laisse place à l'imagination, un peu comme lorsque les élèves de maternelle dessinent les rayons du soleil.

L'aquarium sur le balcon

La majorité des personnes étaient sans doute venues pour parler de Grothendieck avec Yan Pradeau, un peu comme si l'université Paris-Sud et l'IHES s'étaient donné rendez-vous. Au bout d'une trentaine de minutes, l'animatrice a même demandé s'il y avait des questions qui ne concernaient pas "Algèbre". Est-ce de la vulgarisation ? Pourquoi n'y a-t-il pas de maths dans ce récit ? Mais finalement, ne serait-ce pas trop compliqué ? Des mathématiciens présents ont avoué que les travaux de Grothendieck étaient difficiles à appréhender. Un seul jeune homme a déclaré "Je suis chercheur en mathématique, et je maîtrise ses théories."
Yan Pradeau
Jean-Claude Roynette, arrivé sur l'université Paris-Sud en 1962 pour un DEA en Physique nucléaire [6] a assisté à une conférence de Grothendieck en mai 1968, où le génie expliquait comment survivre en ayant un aquarium rempli de poissons sur son balcon. Un mathématicien se serait alors levé pour le féliciter en ces termes "Pour la première fois, je comprends ce que vous dites".

Fête de la science

Cette remise de prix a eu lieu dans le cadre de la fête de la science. La rencontre fut trop courte, ou alors, il y avait trop de bons auteurs en même temps ! Au lieu d'avoir une heure pour poser des questions à 5 personnes, pourquoi ne pas imaginer, six fois une heure d'échange avec chaque ouvrage sélectionné ? D'autant plus qu'il y a beaucoup de médiathèques dans la communauté Paris-Saclay et que les gens ne se déplacent pas forcément. Par exemple, la chaîne Youtube "Science étonnante" de David Louarpe a beaucoup de succès auprès des ados, qui ne s'intéressent pas forcément au prix du livre scientifique.


Les discussions se sont poursuivies dans le hall de la médiathèque Georges Sand, avec des dédicaces des auteurs. J'ai pu parler d'Albert Ducrcoq, de Thomas Pesquet ou de Richard Heidmman avec  Pierre-Francois Mouriaux qui a eu la chance d'assister au lancement à Baïkonour, avec une quarantaine de journalistes français.


Les enfants faisaient la queue pour une dédicace de Blandine Pluchet, qui prenait le temps de discuter avec chacun d'entre eux. J'ai pu discuter de l'intérêt de compter en base 5 pour des enfants qui ne maîtrisent pas le français et qui se retrouvent ainsi à égalité avec leurs camarades de classe.


En sortant, j'ai croisé des vendeurs du petit ZPL [7]. Cette cinquième édition du journal militant consacre une plaine page à l'exposition universelle de 2025 [8]. De retour à la maison, j'ai eu des échos sonores de la rencontre avec Villani sur le plateau de Saclay et j'ai été prise d'un grand fou rire. A Orsay, quand quelqu'un pose une question, on lui demande s'il attend une réponse, comme si ce n'était pas évident ! Mais chut... il ne faut pas réveiller le premier ministre. 


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