"The war of art" de Steven Pressfield est un best-seller publié en 2002, année de la naissance de Sonia, et de manifestations contre l'extrême droite. [1]. Sonia est décédée, un tiers des français viennent de voter pour le rassemblement national aux élections européennes. Il ne reste que l'art...
Le livre est divisé en trois parties. La première consiste à définir son ennemie : la résistance. Ensuite, pour combattre la résistance, l'auteur invite à devenir professionnel. La dernière partie intitulée "Beyond resistance. The Higher realm" (au-delà de la résistance, le royaume supérieur) a quelque peu perturbé mon esprit très terre à terre.
Mon ennemie, c'est la résistance
Hitler a échoué deux fois au concours d'entrée à l'académie des beaux arts de Vienne, mais a réussi à déclencher une guerre mondiale. Se retrouver face à une page blanche, une toile vierge et identifier tout ce qui nous empêche de commencer, tout ce qui rentre dans le cadre de la procrastination est un premier pas nécessaire pour définir l'ennemi.
A l'aube de l'humanité, le clan était nécessaire à la survie. Cet instinct grégaire fait partie de la résistance qui nous pousse à avoir peur des critiques, voire à s'auto-censurer. Steven Pressfield est connu comme romancier. En écrivant ce livre, la résistance qu'il a rencontrée est de se dire que les gens attendaient une fiction, et pas un essai sur l'art. Il s'est dit qu'il se sentirai mieux en le terminant, que c'était ce qu'il avait envie de faire et s'est élevé au-dessus de la tribu, pour cette guerre solitaire.
Le fondamentalisme religieux, qui amène a suivre aveuglément un chef, une idéologie, ne peut conduire qu'à la destruction, comme lors du 11 septembre 2001. La création est l'exact opposé.
La résistance, ça pourrait être "je suis malade, je me lancerai plus tard". Je me suis plongée dans le livre après avoir lu une citation sur la guérison et le fait de trouver sa souveraineté, en créant. Faire de l'art-thérapie guidé par une tierce personne ou se rendre sur un lieu particulier où la contemplation d'un monument pourrait soigner, n'est qu'une perte d'argent.
Dès les premiers mois après le décès de Sonia, j'ai commencé à plier des grues en origami, d'abord pour décorer sa sépulture pendant qu'il n'y avait pas de monument, en suivant la suggestion d'une amie chez qui Sonia avait plié des grues il y a longtemps. Cela m'a fait du bien. Je me suis souvenue du livre "Je fais un oiseau pour la paix" et de l'histoire de Sadako qu'elle avait découvert très tôt. [2] Mon objectif n'était pas de soigner quoi que ce soit ou attendre d'avoir franchi le parcours en 5 étapes qu'est censé être le deuil [3].
La résistance est la plus importante lorsque l'oeuvre est presque finie. Je m'en suis rendue compte en envoyant des grues à Hiroshima... Les mettre dans une boîte est a priori moins compliqué que de plier 1000 origamis. Et pourtant... [4].
Etre ou ne pas être professionnel
Dans cette partie, plusieurs points m'ont intéressée. Tout d'abord, il y a le côté sérieux. Comme un employé qui est à son poste à des heures données, l'artiste professionnel doit aussi être devant son oeuvre, son ordinateur, même si l'inspiration ne semble pas être là. C'est en travaillant qu'elle viendra...
Certains responsables distribuent des tâches à leur équipe lors d'une réunion du lundi matin. L'artiste est son propre chef, et doit aussi se fixer des objectifs.
Douter de soi, se demander si l'on est ou non un artiste, est un signe de la résistance, donc si elle est là, il y a de bonnes chances que l'on soit artiste. Ça m'a amusée et ça m'a rappelé mon syndrome de l'imposteur avant de remplir le formulaire pour participer à la quinzaine des arts. [5]
J'ai envoyé une nouvelle au concours George Sand [6], en m'imposant d'écrire chaque jour, souvent dans le bus ou en marchant quelques phrases commençant par "Nouveau départ". Ce fut un brain-storming, que je n'ai pas toujours exploité dans la production finale, mais qui m'a permis de m'entraîner. J'ai en grande partie utilisé une mésaventure dont j'avais parlé sans fiction dans un billet de blog. Ecrire un peu chaque semaine, c'est peut-être ça aussi le côté professionnel.
Steven Pressfield insiste qu'un professionnel ne peut pas être un amateur passionné, ne serait-ce que pour ne pas s'identifier à son oeuvre. En cas d'échec, de refus par un éditeur, de critiques acerbes, tel un sportif hué, le professionnel continue, persévère et sait que ces attaques ne le concernent pas lui, en tant qu'humain, mais sa création.
Etre professionnel, ce n'est pas forcément gagner de l'argent. Pour Pressfield, ce n'est pas non plus faire un sondage comme un politique qui se dit qu'en parlant d'immigration, il va remporter les élections. L'un de ses livres à succès met en scène un joueur de golf. Une étude de marché aurait pu conclure que ce n'était pas la peine de l'écrire.
Le royaume supérieur
Quand je dis que j'ai proposé une nouvelle au concours George Sand, j'exagère... C'est Sonia, ma muse, qui m'a inspiré le texte. J'ai retranscris les instructions de sa CreepyPasta "Le voyage extraordinaire" [8] et j'ai imaginé que je vivais cette aventure.
Steven Pressfield est croyant. Pour lui, des muses, un dieu, peu importe le nom ont envoyé aux terriens "Ta ta ta dam..." et Beethoven a reçu le message puis composé la cinquième symphonie. Sa doctrine pourrait être "aide-toi et le ciel t'aidera" qui peut aussi se décliner par "assied-toi devant ton ordi et l'inspiration arrivera."
Il explique que les personnes qui apprennent qu'elles vont mourir bientôt changent de perspective. L'ego est remplacé par le "soi". L'ego, c'est le truc important à faire, le rendez-vous, etc... Le soi, c'est faire attention aux autres, accepter de ne pas aller à un rendez-vous professionnel pour passer du temps avec ceux et celles que l'on aime. La muse agit sur le "soi".
Pour lui, il ne peut y avoir de hiérarchie entre les artistes. Il s'agit, comme pour certains animaux, de trouver son territoire. Une bonne question est de s'imaginer seule sur la Terre. Est-ce que je plierai des origamis ? Est-ce que je participerai à un concours de nouvelles ? La réponse me semble affirmative, surtout si c'est pour mettre en valeur une chose que Sonia a créé, ou pour penser à elle...
- S. Pressfield, The War of Art, 2002
- E. Piotelat, Je fais un oiseau pour la paix, 10/2020
- E. Piotelat, Comment bien faire son deuil en cinq étapes, 10/2021
- E. Piotelat, 1000 grues en 11 mois, 05/2021
- E. Piotlat, Où commence l'art (43), 01/2024
- E. Piotelat, La Mare au Diable, 03/2024
- E. Piotelat, Dix saisons, 03/2023
- S. Piotelat, Le voyage extraordinaire, 2016
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