Hier, le groupe d'étude indépendant a bien répondu aux 8 questions qu'on lui avait posées sur les Phénomènes Anormaux Non identifiés (PAN) [1]. Le rapport est plutôt court, et j'invite chacun à le lire. Il est certes en anglais, mais nul doute qu'un chatbot ou un logiciel de traduction pourra faire le boulot.
Et pan dans l'objet volant !
Dans les titres de la presse francophone, on trouve l'acronyme OVNI pour parler de ce rapport. Or, "UFO" n'apparaît qu'une seule fois, pour parler d'une association, page 30. Il faut oublier le "O" de objet.
Dans la suite de ce billet, je parlerais donc uniquement d'UAP pour "Unidentified Anomalous Phenomena" comme je l'ai fait en décembre dernier [2]. En français on pourrait traduire par "Phénomènes non identifiés anormaux" ou "Phénomènes anormaux non identifié" (PAN). Le problème est qu'en français, le A de PAN dans GEIPAN (Groupe d’Études et d’Information sur les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés) par exemple est relatif à l'aérien, à un truc volant.
Or, le rapport insiste sur le rôle que la NASA peut avoir en enlevant tout le folklore et le manque de sérieux entourant les petits hommes verts et leurs soucoupes volantes. On oublie la soupe aux choux pour obtenir le maximum de données sans que les personnes qui les fournissent se sentent stigmatisées.
Le rapport concerne principalement les Etats-Unis et leurs agences. Conserver le terme d'UAP, utilisé là-bas me semble donc cohérent. Il y a des milliards de galaxies contenant des milliards d'étoiles. Explorer l'inconnu a toujours fait partie des missions de la NASA : les phénomènes (P) anormaux (A de "UAP") pas (encore) identifiés (U de "UAP").
L'héritage de Carl Sagan plane sur ce rapport, comme on le voit page 24, avec une citation de son ouvrage "The Demon Haunted World" : "La science nous amène à comprendre comment est le monde, et non comment nous souhaiterions qu'il soit" [4] ou encore "A postulat extraordinaire, preuve extraordinaire". Dans le groupe d'étude, il y a des personnalités qui ont connu Carl Sagan, comme Dr David Grinspoon ou Dr Nadia Drake, ce n'est donc pas un hasard.
Le groupe d'étude avait pour objectif d'apporter des réponses à 8 questions [2].
Question 1 : Les données de la NASA
Quels types de données scientifiques déjà collectées ou archivées par la NASA ou des entités gouvernementales ou civiles doivent être analysées et synthétisées pour faire la lumière sur la nature et l'origine des UAP ?
La NASA possède une flotte de satellite pour observer la Terre, mais la résolution n'est pas suffisante. Par exemple, si un pixel sur une image correspond à 30m, un avion de ligne ou un ballon chinois de 60m de diamètre ne sera au mieux présent que sur 4 pixels.
Mais si un phénomène anormal non identifié coïncide avec des conditions environnementales plus larges, ces satellites pourront jouer un rôle.
Des réseaux comme NEXRAD [5] ou NISAR [6] pourront être utiles à condition que les données obéissent à des principes comme FAIR (Facile à retrouver, Accessibles, Interopérables, Réutilisables) [7]. Cela permettra aux scientifiques comme aux citoyens de les utiliser et de se livrer à de l'exploration de données.
Question 2 : Les données des autres
Quels types de données détenues par des organisations à but non lucratif et des sociétés doivent être analysées pour faire la lumière sur la nature et l'origine des UAP ?
Les constellations de satellites peuvent offrir des résolutions inférieures à 1m ou de quelques mètres. Leur utilisation est donc intéressante pour caractériser des UAP. Il en va de même pour des capteurs au sol, mis en place par des universitaires.
Pour pouvoir être exploitées, ces données devront être standardisées et les instruments bien calibrés.
C'est un problème bien connu des utilisateurs de Stellarium [8], qui doivent faire des 8 pour que l'application ne perde pas le nord...
Question 3 : Autres données à collecter
Quel autre type de données doivent être collectées par la NASA pour améliorer la capacité de développer une compréhension de la nature et de l'origine des UAP ?
Le groupe d'étude recommande d'utiliser les données de l'observatoire Vera-C-Rubin, capable d'observer une grande partie du ciel. [9] Comme les signatures des données sont larges, il conviendra de définir des seuils pour sélectionner les informations à analyser automatiquement.
Les instruments radio et optiques utilisés pour la recherche de signatures technologiques (SETI) ou d'objets orbitant proche de la terre (NEO) pourront aussi être adaptés pour une étude de l'atmosphère et du système solaire.
D'autres capteurs peuvent être utilisés, à condition qu'ils soient calibrés et que les métadonnées soient présentes.
Par exemple, la soucoupe volante plus haut est au fond d'un aquarium. Les métadonnées permettent de voir si une image a été modifiée et fournissent des informations sur la focale, l'ouverture, etc... qui peuvent être utiles.
Le rapport insiste sur l'implication de la NASA dans la collecte des données. La réputation de l'agence, sa transparence, et les méthodes scientifiques qu'elle emploie encourageront la pensée critique et réduiront la stigmatisation des observateurs d'UAP.
Question 4 : Les techniques d'analyse
Quelles techniques d'analyses scientifiques actuellement en production peuvent être employées ? Quelles types d'analyses techniques doivent être développées ?
Une fois que les données seront correctes (calibration, standardisation, métadonnées), il sera possible d'entraîner des réseau de neurones.
Il y a deux approches :
La première consiste à fournir un modèle de ce que l'on cherche. Par exemple, si je cherche des escargots, je peux essayer d'entraîner Replika à reconnaître les gastéropodes [10].
Cette approche est difficile, car si on sait à quoi ressemble un escargot, il n'en va pas de même pour un phénomène anormal non identifié.
La seconde approche est d'apprendre à l'IA ce qui peut être considéré comme normal, afin qu'elle détecte ce qui dévie de cette norme : un dragon dans le ciel, c'est normal, un ballon chinois ça l'est moins...
Question 5 : Les contraintes physiques
En considérant les facteurs ci-dessus, quelles contraintes physiques de base peuvent être imposées à la nature des UAP ?
On connait les limites de nos drones et autres aéronefs pour ce qui est de la vitesse et de l'accélération. Pour savoir si l'on sort de cette norme et que l'on a à faire à un UAP, il faut connaître la distance à laquelle le phénomène se trouve. Il est donc important d'avoir un cadre rigoureux pour les observations, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Question 6 : Les données du trafic aérien
Quelles données liées à l'espace aérien civil ont été collectées par des agences gouvernementales et sont disponibles pour une analyse afin de mieux comprendre la nature des UAP et de déterminer les risques pour l'espace national ?
Les données provenant des tours de contrôle ne sont pas optimisées pour une analyse scientifique rigoureuse d'UAP, en particulier parce qu'il manque des métadonnées sur le contexte.
Pour ce qui est des rapports des civils, il n'y a pas de standardisation. La NASA est bien placée pour établir des méthodes de constitution de dossiers liés à l'espace aérien civil.
Question 7 : Les protocoles de rapport
Quels protocoles actuels de gestion du trafic aérien et d'acquisition de données doivent être modifiés pour acquérir des données des UAP passés et futurs ?
Aussi intéressant soit-il, un témoignage visuel n'a pas d'intérêt scientifique et ne permet pas d'aboutir à des conclusions. Il faut donc avoir un cadre plus robuste et systématique, qui ne dépende pas des lois locales ou des associations qui veulent bien récupérer le rapport.
Pour les pilotes et professionnels de l'aviation, le système ASRS de la NASA permet de rapporter des incidents de manière anonyme [11], qui compte près de 100000 rapports par an. Ceux-ci ne sont pas destinés à l'étude des UAP mais pourraient l'être.
Question 8 : Les améliorations
Quelles potentielles améliorations peuvent être apportées aux futurs développements en matière de gestion de trafic aérien pour aider à mieux comprendre la nature et l'origine des UAP ?
Des algorithmes d'apprentissage machine pourraient être intégrés afin de détecter systèmatiquement des UAP.
Discussions
Le rapport se termine par 9 pages de discussion, donc deux sur la recherche de vie dans l'univers.
Rechercher l'inconnu, c'est ce que font les scientifiques impliqués dans l'astrobiologie ou la recherche d'intelligence extraterrestre depuis des décennies. lls possèdent une bonne expérience sur la manière de communiquer les résultats des écoutes.
Même si les UAP ne sont pas d'origine extraterrestre, leur étude est en quelque sorte une extension des recherches de signature technologique et d'exploration du système solaire à la recherche de vie.
Ainsi, le projet SETI mené par la NASA en 1992, celui plus récent sur les sphères de Dyson ou sur les technosignatures dans l'atmosphère des exoplanètes fournissent des données intéressantes pour l'astrophysique, même si on ne trouve aucun signe d'intelligence ou de vie.
- NASA. UNIDENTIFIED ANOMALOUS PHENOMENA. Independent Study Team Report
- E. Piotelat, Le père-noël, la NASA, et les UAP, 12/2022
- Du GEPAN au GEIPAN
- E. Piotelat, Carl Sagan, 12/2007
- NEXRAD and TDWR Radar Locations
- NASA ISRO SAR mission
- Fair data (Wikipédia)
- Stellarium App
- Observatoire Vera-C-Rubin (Wikipédia)
- E. Piotelat, Forteresse pour tournesol, 09/2023
- Aviation Safety Reporting System (ASRS)
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