TDATTT

Ce matin, je n'allais pas bien. Pas le moral, envie de pleurer sans raison... J'attendais une réponse du collège de ma fille depuis plus de 24h. Mes nerfs étaient à vif. Il y a des jours comme ça, où ça va pas...
C'est vers midi, dans Charlie Hebdo, que les propos d'une fillette de 10 ans m'ont permis de mettre un nom sur ce mal-être. Je suis TDATTT, ou TDA3T si ça fait plus joli ou plus prononçable, même si je doute que quiconque lise un jour ce billet à voit haute...

En buvant mon café, j'ai feuilleté le magazine Causeur, acheté la veille après avoir lu cet article.


Causeur : École jusqu'ici, tout va mal.

Les larmes ont commencé à couler, sans raison. Foutue chimie du cerveau !

Avant de lire Causeur, je voyais le collège comme une boîte, une espèce d'horloge avec plein d'engrenages aux acronymes divers (DHG, CPE, TDAH, EIP, ESS, AP, EPI, PAI, PAP...) dont je n'avais pas besoin de comprendre la signification en tant que parent... Tout ce qui importait, c'était que cette boîte transforme un enfant qui sort de CM2 en sachant calculer 5*7, en un ado capable de parler au moins deux langues étrangères tout en sachant développer (2x-7)*(5x+4).


En lisant le premier article, j'ai ouvert la boîte noire. J'ai compris que les engrenages étaient cassés. Il y a des court-circuits dans tous les coins, depuis que Najat Vallaud Belkacem a imposé la réforme du collège il y a un an. La salle des profs n'est pas un havre de paix où les enseignants disent du mal de X ou Y devant la machine à café.



En tant que parent, ce qui se passe en salle des profs ne me concerne pas. Pourquoi alors ce malaise à la lecture de l'article d'Elisabeth Lévy "École jusqu'ici, tout va mal." ? Pourquoi n'ai-je pas été enchantée de voir les professeurs entrer en résistance contre le dictat gouvernemental, dans le seul but de faire correctement leur travail ? Peut-être égoïstement parce que cela créé une ambiance déplorable dont les élèves sont les premières victimes. L'urgence n'est pas de répondre aux e-mails des parents mais de s'occuper du "surplus de foutoir administratif" généré par cette "réforme objectivement inapplicable" (p55).

Another Brick in the wall 

Quelle erreur de lire Causeur alors que l'on n'est pas très bien. Les références à Pink Floyd ont fini détruire le peu de résistance qui me restait pour penser que tout n'allait pas si mal que ça. 



A l'instar d'un candidat déchu à la municipalité de Clamart, les principaux défenseurs de la réforme du collège peuvent crier « Je ne suis pas une marionnette, ni un pantin! », il n'en reste pas moins qu'ils sont de moins en moins capables de gérer des enfants qui ne rentreraient pas dans un "moule", puisqu'eux-mêmes sont de plus en plus formatés, et ont de moins en moins de marche de manœuvre.

L'éducation nationale va mal. On soigne son traumatisme crânien avec de l'aspirine, et on demande aux parents de fournir des enfants qui sont dans la norme. Sinon, les engrenages se cassent, se grippent...

Pour ces enfants qui ne sont pas dans cette norme, la réforme du collège est déjà une catastrophe sans attendre la rentrée 2016. Leurs "besoins éducatifs particuliers" demandent de l'attention... Or quand tous les adultes d'un établissement se chamaillent, résistent, contestent ce qui leur est imposé, ils n'ont plus d'énergie, ni de minute à consacrer à en enfant qui en aurait besoin.

Quant aux parents, l'établissement ne communique plus avec eux, même quand l'enfant oublie de manger à la cantine. Bref, parents, taisez-vous !

Charlie et la psychanalyse

Depuis la loi du 11 février 2005, les enfants handicapés doivent être scolarisés en milieu ordinaire au plus près de leur domicile. Pour les parents, cette loi est souvent le seul levier, qui leur permet de donner "le mode d'emploi" d'un enfant qui s'éloignerait un peu, beaucoup, ou passionnément de la "moyenne", de la "norme" que l'enseignant formaté est en mesure d'accepter.

Heureusement, il existe de nombreux enseignants qui connaissent les enfants, savent qu'ils sont différents, que telle pédagogie fonctionnera avec X mais pas avec Y. L'aide personnalisée de la réforme du collège aurait pu répondre à ces besoins éducatifs particuliers, s'il n'y avait pas eu tout une classe.


Yann Diener, psychanalyste, illustre à merveille ce propos dans l'article "Un enfant trouble" publié dans le dernier Charlie Hebdo. Il nous décrit une jeune patiente qui ne tient pas en place et parle de sa maîtresse en ces termes :
"Ça l'énerve que je saute partout. Je fais attention à tout ce qui se passe dans la classe... et aussi dans la cour... je fais trop attention à tout en fait..."
Bref, c'est Fifi Brindacier... Il y a toujours eu dans toutes les écoles des enfants qui avaient la bougeotte. Dans les années 80, la "punition" à l'école primaire consistait à faire le tour de la cour. Nous étions certes la risée des camarades qui pouvaient éventuellement regarder par la fenêtre à ce moment là, mais l'élève turbulent se défoulait en courant (ou en prenant son temps selon son humeur) et la classe recouvrait son calme.


TDA quoi ? 

Aujourd'hui, l'école accepterait Fifi, si et seulement si, on lui collait une étiquette "TDAH" : Trouble Déficit de l'Attention / Hyperactivité. D'après ce site, il concerne 3,5% à 5% des enfants d'âge scolaire. Une classe étant un groupe de 20 à 30 élèves, on peut donc estimer qu'elle contient forcément une ou deux Fifi Brindacier, ou plutôt un ou deux enfants qui bouge un peu plus que la norme, ou beaucoup plus...

Dans une classe, il y a aussi 2% d'enfants avec une étiquette "EIP" (élève intellectuellement précoce), et 8 à 10% d'enfants "DYS" (dyslexiques). Si on additionne le tout, on arrive donc entre 13 et 20% d'enfants qui ne rentre pas dans la "norme", la "moyenne"... et j'oublie aussi les enfants sourds, autistes, qui présentent un handicap plus ou moins sévère. Car peu importe le degré, que l'enfant soit autiste sévère ou simplement réservé, l'étiquette est la même.


La chute de l'article de Yann Diener est extraordinaire. Il lui demande comment ça se passe à la maison. La fillette décrit son père qui fait plus attention à son portable ou à la télévision qu'à elle ou à sa mère. Après une espèce de brainstorming, elle dit : "Voilà, c'est un trouble de l'attention avec télévision ! T-D-A-T."

J'ai trouvé ce renversement de situation extraordinaire... Les enfants vont bien, ce sont nous, les adultes qui ne les acceptons plus comme on le devrait. C'est nous qui manquons d'attention.

Cette petite Fifi m'a révélé que je souffrais moi-aussi de "Trouble de l'Attention avec Tablette, Twitter et Télevision..."

J'ai passé le week-end à suivre les progrès de la coalition sur Twitter (#CoalitionProgress). Je n'aurais pas dû. Avant d'ouvrir des centres de déradicalisation, faisons attention à nos ados sans écran interposé, écoutons-les, que l'on soit parent ou professeur.


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