Hier, j'ai découvert que le cimetière de Blois-Ville était fermé cette après-midi et le 28 mars pour que des chasseurs puissent tuer des pigeons et étourneaux sansonnets [1].
La moindre déjection de pigeon ou d'étourneau traduirait un manque de respect ! Il n'est pas impossible que cela empêche le défunt et même tout son entourage de monter au paradis, contrairement au Minions de l’œuf Kinder qui prennent vie grâce à l'incroyable application Applaydu [2].
Comme il a pas mal plu cet hiver, la flore sauvage est de retour dans les cimetières. A Bures, il y a des ficaires autour des pierres tombales; des pissenlits dans les vieux pots de chrysanthèmes oubliés, des crocus et des primevères un peu partout.
Pour en revenir au cimetière de Blois-Ville, l'arrêté nous apprend que le premier février 2024, un lieutenant de la louveterie a fait un constat : les pigeons ramiers et les étourneaux sansonnets font des nuisances.
Ensuite, je lis :
"Considérant que les nuisances [..] représentent un risque pour la salubrité publique, en raison notamment des fientes déposées par ces oiseaux, en particulier sur les pierres tombales."
La présence de fientes laisse à penser que le lieu est peu fréquenté par des humains donc que le risque de salubrité est très limité [3]. A moins d'attendre l'arrivée d'un rouge-gorge [4] ou de trouver des commères avec qui commenter l'état des sépultures, un cimetière n'est pas un jardin où l'on passe sa journée.
Ensuite, l'article 16.1.1 du code civil est mentionné [5] :
Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.
J'ai trouvé ça très drôle... J'ai imaginé un messie ou un zombie sortant de sa tombe au moment où un étourneau lâcherait son paquet. Même si le marbre est sale, on peut espérer que les corps ou les cendres qui sont en-dessous n'intéressent que les vers de terre et qu'aucune fiente ne les atteint. A moins d'avoir un volatile avec un bec assez fort pour faire un trou ? C'est soit n'importe quoi, soit de la mauvaise foi...
La suite nous apprend que ce n'est pas à la famille de garantir le respect dû aux morts, par exemple en parlant d'eux, de leurs exploits, en partageant photos et souvenirs.
Non, c'est la sépulture elle-même toute seule qui garantit ce respect, peu importe que les familles ne se soucient de leur entretien qu'une ou deux fois par an.
"Considérant que les pierres tombales sont souillées par des déjections de pigeons ramiers et d'étourneaux sansonnets, ne permettant pas à ces sépultures de garantir le respect dû aux morts."
Cela laisse imaginer une conversation :
- Allô la mairie, c'est monsieur Pierre Lapotre !
- Bonjour, que puis-je pour vous ?
- C'est scandaleux ! Il y a des fientes sur la tombe de mon copain Jésus !
- Monsieur, l’article R2223-18 du Code général des collectivités territoriales impose aux familles d'entretenir les tombes, c'est à vous de nettoyer. [6]
- Vous me manquez de respect ! Vous insultez la mémoire de mon pote ! Je suis outré !
- Si vous ne pouvez vous déplacer, vous pouvez faire appel à des entreprises spécialisées.
- Et c'est moi qui vais payer ? Hors de question !
- C'est ce que dit la loi. Si vous ne le faites pas et que la mairie constate un risque sanitaire, nous pouvons mettre fin à la concession.
- Si vous détruisez le tombeau de Jésus, je vais le dire sur les réseaux sociaux, c'est scandaleux. C'est un manque de respect ! Plus jamais je ne voterai pour votre parti, y compris aux Européennes, je vais alerter toute la communauté catholique.
- C'est bon, on va tuer les pigeons avant Pâques.
La semaine sainte est donc une semaine où les anges reposent en paix mais sous les coups de feu.
L'arrêté se termine par :
"Les tirs seront effectués avec des fusils de chasse. Les calibres utilisés vont du calibre 12 au calibre 28"
Ça me rappelle une blague que Sonia aimait beaucoup : 7 oiseaux sont sur une branche, un chasseur tire et en tue un, combien en reste-t-il sur la branche ? La réponse est "zéro car le coup de fusil a fait fuir tous les oiseaux."
Les chasseurs vont donc faire du cimetière leur terrain de jeu le jeudi saint. Il n'y aura plus de pigeon le vendredi, et ils pourront revenir après Pâque en toute sérénité...
Entre les tondeuses et le tir aux pigeons, la semaine sainte est une catastrophe pour la biodiversité. En espérant que les politiques soient plus laïques que le maire de Blois !
Mise à jour le 28 mars :
Grâce à l'association ASPAS [1], les tirs ont été annulés les 26 et 28 mars selon BFM [7].
- ASPAS sur X
- E. Piotelat, 13 saisons, 12/2023
- PAZ, Les fientes de pigeons, un problème surestimé
- E. Piotelat, Cinq saisons, 12/2021
- Article 16-1-1
- Entretien et nettoyage d’une tombe : quelles obligations légales ?
- F. Blanchard, Blois autorise la chasse aux pigeons dans un cimetière et s'attire les foudres d'une association, 03/2024
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