Suis-je Charlie à vie ?

Nous sommes le 7 janvier. Cette date me propulse toujours en 2015. Cette date marque aussi la fin de la période des platitudes : bonne année, meilleurs vœux, bonne santé, sincères condoléances.

Ni oubli ni pardon devant le collège Aimé Césaire

Cette année, j'ai envie de rebondir sur la carte de vœux de la ville des Ulis. Celle que j'ai reçu est le portrait d'une dame âgée qui regarde le ciel. Après l'invitation à la cérémonie, il est inscrit : 

Marquons cette nouvelle année par notre résilience, en faisant face aux défis avec force et détermination. 

Je partage toujours l'avis de Véronique Brachet, veuve de Cabu  [1] : 

"Le mot Résilience est un mot que je déteste". 

Je me suis dit que le mot "résilience", c'était un peu comme le père-noël. On peut y croire quand on est petit, mais à un moment, il faut grandir, ou du moins se rendre compte que rien ne sera comme avant, peu importe que les procès aient eu lieu, que les assassins et leurs complices aient été condamnés. Le 7 janvier, je suis Charlie, et je le serai toujours.   

Centre ville des Ulis

Quels sont les défis auxquels il faut faire face avec force et détermination ? Suite au meurtre de Nahel, le 27 juin 2023, il y a eu des dégâts sur la ville. Les vitrines ont été réparées, les commerces, la mairie sont ouverts comme si rien ne s'était passé. Il y aura des procès, des condamnations, des indemnisations, mais est-ce vraiment la résilience ? N'est-ce pas juste une reconstruction matérielle ? Les humains, commerçants, élus, témoins des violences oublieront-ils ? 

Une image forte de 2023 est le point levé de la mère de Nahel réclamant justice. Est-ce ça la résilience ? En novembre dernier, elle déclarait :
Je n'ai plus rien de mon fils, il m'a tué mon fils. Le matin quand je me réveille, je n'ai plus sa voix. J'ai plus d'appels de mon fils, je n'ai plus le sourire de mon fils. Tout me manque de mon bébé [..]. C'est très difficile [..]. [Le policier] il a enlevé deux vies, il m'a tué en même temps. 
Je pense aussi à Enzo, battu à mort aux Ulis le 27 juillet 2023 alors qu'il venait de fêter ses 16 ans [4] et à la douleur de ses parents, de ses amis, de ses proches. La résilience est-elle possible ? Les parents ont crié leur colère avec force et détermination, mais après ? 

Panneau aux Ulis



Est-ce que la résilience, c'est fermer les yeux quand une jeune fille se fait agresser dans la rue, même si "bah, c'est rien, juste un compliment..." ? Est-ce s'habituer à ne pas voir la souffrance des femmes victimes de violence ? [5].
     
L'oubli, le pardon sont impossibles. Tuer des dessinateurs, parce qu'ils dessinaient, tuer un adolescent parce que c'est un ado, agresser une femme parce que c'est une femme... Personne ne peut l'accepter. 

Crayon machouillé par Sonia, ourson et origami "Charlie"


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