Ce qui se conçoit bien

Après avoir exploré le manque d'inspiration de l'artiste en plongeant dans le chaos de Nietzsche [1], Manu Larcenet convoque Boileau et Baudelaire pour ce deuxième tome de "Thérapie de groupe" [2] sous-titré  "Ce qui se conçoit bien". 

La quasi totalité de l'histoire se déroule à la clinique psychiatrique pour fou et demi-fou "Les petits oiseaux joyeux", où la drogue est gratuite et fournie à volonté. Le thème principal est l'artiste incompris. Cela commence doucement par un débat télévisé autour de la citation de Nicolas Boileau : 

Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. 

Puis, l'albatros de Baudelaire va se transformer en super héros. Jean-Jacques Prunier, en vacances en Bretagne reçoit une fiente d'Albatros :

"Insidieusement l'ADN de l'indolent volatile contamine celui de son hôte par un processus scientifique compliqué. Puis son corps entier se modifie* pour donner naissance au tout premier homme-volatile mondial."
* (Par un processus scientifique compliqué, ne me cassez pas les pieds)

Les scientifiques en prennent pour leur grade avec humour, à l'instar du professeur quatre fois prix nobel de trous noirs invité suite à l'implosion de l'ADN d'Albatrosman qui a atteint sa masse quantique critique. Annoncer à Baudelaire la disparition de l'animal qui lui permet de vendre "Les fleurs du mal" à chaque rentrée scolaire est difficile. Manu Larcenet se rachète en remplaçant l'albatros par une mésange bleue. J'ai éclaté de rire en lisant cette version :  


Que reste-t-il aux artistes contemporains qui n'ait pas déjà été utilisé par leurs glorieux prédécesseurs ? Les planches sont ponctuées de monologues avec le psychiatre et un vase contenant à chaque fois une seule fleur. Il est le seul à écouter les artistes ou les fous, c'est selon... Manu Larcenet répond à cette question par les 9 étapes du deuil artistique, en ce moquant des psy qui n'ont pas compris la théorie d'Elisabeth Kübler Ross [3].


Comme dans le précédent tome [1], Manu Larcenet n'a pas besoin d'intelligence artificielle pour parler aux morts, et rendre hommage à tous les grands hommes qui ont souffert à leur époque de dépression, de solitude ou ont sombré dans la folie. 

Après les graines de tournesol données aux mésanges bleues, on y trouve aussi ceux de Van Gogh ! Cette deuxième séance thérapeutique fut très agréable ! 

  1. E. Piotelat, L'étoile qui danse, 07/2023
  2. M. Larcenet, Thérapie de groupe - Tome 2 L'Étoile qui danse, Dargaud, 01/2021, ISBN : 9782205085228
  3. E. Piotelat, Comment bien faire son deuil en 5 étapes, 10/2021

 

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