Comment ça, tu ne connais pas Manu Larcenet ? Un peu par hasard, et beaucoup par curiosité, j'ai emprunté les trois volumes de "Thérapie de groupe" samedi dernier lors de la rencontre du club interdit aux moins de 16 ans, qui s'est tenu dans un lieu semblant interdit au plus de 10 ans. En quelques nuits, j'ai terminé le premier opuscule, intitulé "L'étoile qui danse". [1]
Dès la page 8, j'ai éclaté de rire en prenant une claque... La semaine dernière, une personne que j'avais croisé aux Ulis, mais que je ne connaissais pas plus que ça m'a demandé "Et votre fille, ça va ?". Une amie a répondu à ma place qu'elle était décédée.
Grâce à Manu Larcenet, je peux désormais répondre que son état est stable depuis trois ans [2] :
Et Sonia ?
Ca va, ça va, toujours aussi morte !
L'humour permet-il d'éviter l'embarras des échanges qui se veulent formels ? Ce code narratif montre-t-il la banalité de la méprise ? Comme la question revient de plus en plus fréquemment, il va falloir que je teste la prochaine fois !
Cette mise en bouche m'a encouragée à poursuivre la lecture. Je me suis rendue compte qu'il n'avait pas besoin d'une I.A. pour parler avec les morts. L'auteur de BD en manque d'inspiration devant sa page blanche le fait naturellement.
Son grand interlocuteur est Nietzsche, dont la citation suivante va servir de fil rouge à tout le récit :
Il faut avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse.
Le "chaos en soi" c'était acquis d'après ses proches et ses docteurs, surtout après avoir avalé l'armoire à pharmacie. Mais la créativité, ou l'idée du siècle, a du mal à venir...
Il convoque alors les muses, intermèdes de Dieu, qui ont dicté leurs souhaits aux peintres de la renaissance, mais celles-ci s'avèrent exigeantes et pas très inspirantes.
Il convoque Léonard de Vinci à la quête de tuyaux pour résoudre cet épineux problème :
Vous tenez une idée du siècle et vous ne savez qu'en faire !
Dans son chaos, il affronte la Terre aux mains des joyeux drilles.
Et quand il découvre l'étoile qui danse, sa famille s'inquiète de le voir allongé dans la salle de bain, mais se rassure en n'observant pas de rigidité cadavérique.
Manu Larcenet nous propose une thérapie de groupe avec Nietzche, Léonard de Vinci ou Cezanne très efficace, Il utilise l'humour noir pour s'interroger sur la place de l'artiste dans la société, sur l'avenir de la BD face aux mangas ou encore sur l'injonction au bonheur et à la bienveillance.
Cette lecture m'a fait beaucoup de bien !
- M. Larcenet, Thérapie de groupe - Tome 1 L'Étoile qui danse, Dargaud, 01/2020, ISBN : 9782205084047
- E. Piotelat, Et ta fille, ça va ?, 01/2023
Commentaires