Dans un carré de terre

Si j'ai lu d'une traite "La petite histoire des flocons de neige" d'Etienne Ghys [1], j'ai failli rendre à la médiathèque "Dans un carré de terre" de Samuel Rebulard [2] après n'avoir lu qu'une trentaine de pages au bout de trois semaines. 

Je me suis dit que s'il faisait partie de la sélection du prix du livre scientifique [3], il méritait que je fasse au moins l'effort de le parcourir jusqu'à la fin. Personne ne voterait sans lire le programme des candidats et candidates à une élection ! Je pourrais certes m'abstenir, voter blanc, mais je me suis dit que ce ne serait pas du jeu...  

Le livre est adapté à un large public

L'auteur nous prend par la main et nous emmène voir un carré d'herbe au fil des saisons. Enfin, ça, c'est ce qu'il dit, ce à quoi je m'attendais, en imaginant des bâtons délimitant une zone d'un mètre carré et une observation scientifique, un inventaire et un comptage rigoureux des espèces comme le font les citoyens avec Spipoll [7]. Il n'en est rien. Il nous promène des racines jusqu'à la cime des arbres pour nous parler du carbone dans de longues, très longues, très très longues descriptions où l'on croise de temps en temps du vocabulaire scientifique. 


Il survole quelques problèmes environnementaux, comme la disparition des insectes ou l'intérêt des haies, mais sans faire de militantisme ou de catastrophisme. On a l'impression qu'il s'en fiche. Le ton est neutre, sans passion.  

Si ce n'est pas avec cet ouvrage qu'un large public pourra prendre conscience de l'enjeu de la biodiversité, il reste les photos. Elles sont superbes !  

Le thème abordé dans le livre est bien traité

Il n'y a aucun schéma et c'est un réel problème. Cela aurait permis d'éviter des pages et des pages pour expliquer ce qu'est la photosynthèse par exemple. 


On a souvent l'impression qu'il s'adresse à des citadins qui n'ont jamais vu une toile d'araignée ou un champignon dans un arbre. Il étale son érudition tout en traitant le lecteur comme un gamin à qui il conseille de prendre une loupe pour regarder dans l'herbe. 

Le passage sur les bouses de vaches australiennes est bien traité et récompense l'effort de dépasser les 30 premières pages. Cela n'a aucun rapport avec le carré de terre initial, si ce n'est l'éventuelle présence d'un bousier. Le fil conducteur de l'ouvrage n'est pas très clair. Tout cela manque de logique et de rigueur. 

Le livre est bien écrit

En général, quand je lis un roman, je saute les passages contenant des descriptions qui ne font pas avancer l'intrigue. Le texte n'étant que descriptif, je n'ai pas apprécié l'écriture. Le style d'Etienne Ghys plus concis et clair me convient mieux [4]. 

On pourrait voir un peu de poésie dans la prose qui m'a rappelé l'atelier d'écriture créative de la diagonale Paris-Saclay, où l'on devait décrire le crépuscule [5] ou utiliser nos 5 sens [6].   


Je pourrais décrire la photo ci-dessous en disant "Le 11 novembre 2022, on trouve encore des tournesols aux Ulis. On note aussi le passage d'escargots". 
Je pourrais aussi la décrire de manière plus ennuyeuse : "Les sanglots longs des violons de l'automne s'accompagnent de la décomposition des feuilles de châtaigner  (Castanea sativa) qui tombent des arbres, en prenant une couleur vive avant d'avoir un marron plus foncé puis de devenir de l'humus qui enrichit la terre. Des astéracées (Helianthus annuus) reposent sur le sol ; elles ont été le témoin du passage d'un gastéropode dont le mucus brille sous la lumière du soleil. Avec une loupe on observe, etc, etc..;"  
C'est cette deuxième option qu'a choisie l'auteur. L'exercice de style ne m'a pas convaincue. 

Le livre est bien présenté et est agréable à lire. 

La mise en page est assez désagréable. Les photos ne sont pas en face du texte qu'elles illustrent. Il y a des encarts dans une police vert foncée qui ne sont dans aucun carré et peuvent quelque fois déborder sur le texte normal. Certains passages sont mis en exergue dans une énorme police verdâtre, mais souvent une dizaine de pages après le texte en question. Bref, à plusieurs moments, je me suis demandée "mais qu'est-ce que ça fait là ?". Il n'y a pas de conclusion, un peu comme s'il n'était pas terminé. 



L'absence de schémas est souvent un obstacle à la compréhension. Le principal intérêt de l'ouvrage est la qualité et l'originalité des photographies. 

A voté... 

Commentaires