Carte postale de Villejuif

Salut Sonia, 

Après les Ulis [1] et le Belvédère [2], je t'envoie aujourd'hui une carte postale de Villejuif. 


La ville se trouve tout au bout de la ligne 7 du métro. Je devais m'y rendre pour des raisons professionnelles. Intriguée par les propos de Michel Houellebecq dans son roman Anéantir [3], j'ai décidé de m'y attarder pour faire un peu de tourisme. Le personnage principal doit se rendre à l'institut Gustave Roussy, pour rencontrer le meilleur spécialiste des cancers de la bouche. Page 636, on lit :  

Villejuif plus généralement, dirigée sans interruption par des maires communistes de 1925 à 2014, avait longtemps été une commune emblématique de la "banlieue rouge" avant que des moments de population plus récents ne viennent infléchir le cours des choses. Il n'y avait, pour commencer, plus beaucoup de juifs et la commune s'était fait connaître par différents attentats ou projets d'attentats islamistes. 

Il y a un square Georges Marchais, tu sais, celui qui est célèbre pour son humour face aux journalistes... Vous venez avec vos questions, je viens avec mes réponses... Comme aux Ulis, Aimé Césaire à donné son nom à un collège. La liberté y a perdu son L, l'égalité un G et un L, la fraternité est intacte.


Heureusement, liberté, égalité et fraternité sont intactes sur le fronton de la mairie, même si la pancarte "Cessez-le-feu en Ukraine" est bien plus visible, derrière le monument aux morts honorant les victimes des guerres de 1914-1918, 1939-1945 et 1954-1962. 


Juste devant ce monument, on a un arbre pour la paix, inauguré le 21 septembre 2020 par Pierre Garzon, le maire actuel. qui a rendu la ville aux communistes en l'emportant en juin 2020 face à un opposant LR. 


Comme arbre remarquable, j'ai remarqué des magnolia, mais aussi un énorme tulipier dans l'un des nombreux pavillons. 


L'église Saint-Cyr-Sainte-Julitte est en travaux [4]. J'ai une pensée pour Aurélie Châtelin, abattue par un terroriste le 19 avril 2015 [5]. Combien de vies ont été sauvées grâce à elle ? 


J'ai également mis un pied dans le parc des hautes bruyères, où Janusz Michalski est mort en protégeant sa femme attaquée à l'arme blanche par un terroriste en janvier 2020 [6]. A première vue, cela ne vaut pas le parc Nord des Ulis ou le parc Urbain. 


Je n'ai pas trouvé de plaques en mémoire d'Aurélie Châtelin ou de Janusz Michalski, mais j'avoue ne pas avoir vraiment cherché. Le cimetière est juste à côté du parc.


Comme ce parc quasi désert, la ville m'a semblé très calme par rapport aux Ulis, où il y a toujours des enfants en train de jouer, des passants en train de papoter, des adolescentes en train de refaire le monde, comme toi. Enfin, calme n'est peut-être pas le mot... Morte ou endormie conviendrait mieux. Une villa près du cimetière affichait un drapeau pour la paix. Au pied du mur, il y avait ces écriteaux.


Non  loin du cimetière, l'hôpital Paul Brousse est bâti de vieilles pierres. 


Mon regard s'est d'abord arrêté sur la boutique du fleuriste juste en face. Les fleurs vendues étaient assez originales. Il y avait peu de jonquilles, pensées ou jacinthes. Je me suis dit que le lieu était opportun pour les visiteurs des services oncologie ou gériatrie. Juste après la boutique de fleurs, il y a Roc Eclerc, les PFG et un ou deux autres magasins affichant des plaques pour petits anges ou amoureux. 


Tu te souviens, Sonia, comme tu avais détesté La Ville du Bois, avec la N20 au milieu, ses voisins vigilants, le nationalisme et les chiens aboyants derrière les propriétés fermées [7] ? Je n'ai pas vu de drapeaux tricolores à Villejuif, mais à plusieurs reprises, j'ai repensé à tes envies de faire de l'urbex et ton regard qui se portait sur les rares tags mettant un peu de couleur sur le mur et prouvant que certains jeunes y vivaient.



Après avoir exploré les lieux de mon deuil à moi [8], je me disais que ce serait intéressant de flâner dans  une ville où nous ne sommes jamais allées, et qui ne pouvait être le siège de souvenirs. Je crois que Riss raconte une expérience similaire dans son livre "Une minute et quarante-neuf secondes" [9] [10]. Hôpitaux et lieux d'attentats sont les lieux d'autres drames. Il n'y a pas besoin de monument au mort, de plaque, pour deviner l'horreur vécue par les proches des victimes et des malades. 

Mise à jour le 13 mars

Les lieux de mémoire des victimes du terrorisme existent à Villejuif. Je ne suis juste pas passé devant. 
Une stèle en hommage à Aurélie Châtelain est rue du Docteur Pinel, celle de Janusz Michalski est dans le parc départemental des Hautes-Bruyères. [11]

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