17 mois

Il y a un an, la chanson "Je vole" interprétée par Louane m'avait fait pleurer [1]... Vous n'avez plus d'enfant ce soir... 

Gare de Bourg en Bresse le 27 octobre dernier

Au bout d'un an, force est de constater que Sonia est bien plus présente que la plupart des étudiants qui reviennent voir leurs parents occasionnellement. Elle a 18 ans pour toujours, et j'ai l'impression qu'elle influence de plus en plus mes pas, mes écrits. 

Ce mois-ci, Megan Devine a proposé aux anciens participants de son atelier d'écriture [2] de réfléchir à une citation de Henry David Thoreau : 

Every man casts a shadow; not his body only,
but his imperfectly mingled spirit.
This is his grief.
Let him turn which way he will,
it falls opposite to the sun; short at noon, long at eve.
Did you never see it?
Je pourrais la traduire ainsi : 

Chaque humain projette une ombre; pas seulement son corps, 
mais aussi son esprit imparfait embrouillé.

C'est le deuil.
Qu'il se tourne comme il veut, 
elle tombe à l'opposé du soleil, courte à midi, longue à l'aube.

 Tu ne l'as jamais vue?

Est-ce que mon ombre à changé depuis le départ de Sonia ?

Ombre de Sonia en juillet 2019

Chaque fois que j'ouvre une photo, un souvenir, c'est un peu comme si je retrouvais son ombre, aussi bien pliée que celle de Peter Pan dans le tiroir de la commode de Wendy. S'il l'a perdue, c'est à cause de madame Darling, qui a refermé la fenêtre... Encore la faute d'une mère qui refusait que son enfant prenne son envol !

Peter Pan essaye de la recoller avec du savon, avant que Wendy ne se réveille et la recouse... J.M. Barrie a vécu dans l'ombre de son frère aîné, décédé quand l'auteur avait six ans [3]. Il a cherché à le remplacer dans le cœur de sa mère, à lui ressembler, en vain. Est-ce que mon esprit embrouillé n'est pas aussi en train d'essayer de recoller maladroitement l'ombre de Sonia à mes pieds ? 

Ombre de Sonia en juillet 2019

En recherchant le contexte de la citation de Henry David Thoreau, je suis tombée sur un récit de voyages, a priori non traduit en français "A Week on the Concord and Merrimack Rivers by Henry David Thoreau", disponible gratuitement [4]. A bord d'un bateau, il observe les forêts sur la rive et les ombres qui volettent. L'abrasion et la décomposition de nos vies constitue le terreau d'une vie future, un peu comme l'arbre qui arrive à maturité va se transformer en moule une fois abattu. Tout le monde projette l'ombre de personnes disparues, qu'il s'agisse de proches ou de célébrités.

Les idées de Sonia m'influencent, comme celles d'Albert Ducrocq, de Jean Heidmann, d'Haroun Tazieff, ou du commandant Cousteau. Je ne suis pas capable de dire si, à un moment donné, telle action est dictée par ce que m'a fait comprendre Sonia en 2019 ou Carl Sagan en 1980. Mais à n'en pas douter, leur éclat, leur lumière me fait avancer. 

Main et ombre de Sonia en juillet 2019


Telle une ombre, le deuil est plus long le matin, peu après l'heure où Sonia nous a quitté ; et le soir avec quelques "et si" qui virevoltent. Les jours, les mois passent... Le Soleil, la Lune, créent des ombres ; la lumineuse, l'étincelante, la brillante Sonia aussi...  

Phare de Boulogne sur Mer en juillet 2019


  1. E. Piotelat, 5 mois, 11/2020
  2. E. Piotelat, 10 mois, 04/2021
  3. E. Piotelat, 15 mois, 09/2021
  4. H. D. Thoreau, A Week on the Concord and Merrimack Rivers 1849

Commentaires

Nathalie FT a dit…
C'est beau et touchant. Les mots comme les images évoquent les souvenirs et le passage du temps, cette ombre invisible. Merci.