Le Phare [1], journal d'expression associative et individuelle a rendu hommage à Sonia. Quand Marie-Odile m'a dit en juillet que de la place serait consacrée à Sonia, j'ai été très touchée.
J'ai fait partie du comité de rédaction pendant deux ans, et je me souviens que l'on s'est souvent demandé si oui ou non, il fallait publier un texte sur telle personne qui venait de nous quitter après une vie associative bien remplie sur les Ulis. Le journal est publié tous les trois mois, et forcément, il n'est pas rare qu'il y ait plusieurs décès entre deux numéros. Il ne comporte que 16 pages et il arrive que le choix des articles donne lieu à de vives discussions.
Le petit mot de la rédaction évoquant Saint-Exupéry et le petit prince "Les étoiles savent rire" m'a rappelé de délicieux souvenirs. Comme les réunions du comité de rédaction du Phare avaient lieu le soir et que je pouvais difficilement laisser Sonia seule à la maison (elle avait entre 8 et 10 ans), elle m'accompagnait. Elle s'installait dans un coin pour dessiner, lire, jouer, tout en écoutant nos discussions. Il n'était pas rare que le vocabulaire employé soit plus proche de celui des tontons flingueurs que de celui de l'académie française. Sonia découvrait certains mots qui l'amusaient beaucoup. Je crois qu'elle appréciait aussi cette assemblée d'adultes réalisant quelque chose de très sérieux, c'est-à-dire un journal qui sera distribué dans toutes les boîtes aux lettres, tout en mangeant des gâteaux, en buvant du thé, et en rigolant. Elle n'a jamais rechigné à m'accompagner, et au contraire, elle me disait souvent qu'elle s'ennuyait moins qu'à l'école et qu'elle y apprenait plus de choses...
J'avais envoyé plusieurs photos. Celle qui a été choisie a été prise lors de la flashmob [4] organisée par l'Unicef à l'occasion de l'anniversaire de la déclaration des droits de l'enfant (voir le Phare numéro 44, de janvier 2011, page 10 [3]) .
Lors de la cérémonie d'adieu à Sonia, le texte lu par François m'a d'abord surprise, puis attristée, puis redonné un espoir fou (je suis encore assez nulle pour nommer les sentiments, mais bref, c'était un truc dans le genre). Il débute en citant Stéphane Hessel. J'avais oublié à quel point le mouvement des indignés avait sans doute joué un rôle important dans la vie de Sonia. Nous sommes allées toutes les deux à la Défense le 11 novembre 2011 [2]. Le matin, Sonia avait réalisé des pancartes sur des cartons, pour remplacer ceux embarqués par la police (à l'époque on ne savait plus trop si c'était dangereux ou pas un carton ou un saucisson et les décrets étaient un peu flous sur certains points).
Je ne sais plus si elle avait trouvé seule les slogans, ou si j'en avais fait une liste... Le droit de vivre...
Une fois sur place, elle avait adoré déposer ses cartons, et lire ceux des autres... Quel futur pour tes enfants, oui déjà...
Elle avait tout de même gardé quelques cartons à brandir...
Et elle a toujours gardé, le sifflet qu'elle a utilisé ce jour là pour faire beaucoup de bruit tout en dansant le Syrtaki en soutien à la Grèce...
Tout cela, je l'avais un peu oublié, même si les photos sont toujours là (coucou Cyril).
Alors oui, que Stéphane Hessel soit évoqué en disant adieu à Sonia m'a surprise, un peu sur le thème "mais pourquoi n'y ai-je pas pensé ?" [8]
Ensuite, François évoque les logiques écrasantes, les regards normatifs du système éducatif et de la ville des Ulis. Il fait allusion au collège, où Sonia s'agaçait chaque fois qu'on lui conseillait de "se fondre dans la masse", ou qu'il ne fallait surtout pas faire de vague. Regarder ses pieds, c'est bien... Le souvenir du changement de collège fut pour moi douloureux, triste... Je me souviens des discussions que nous avions eu sur la ghettoïsation, quand les enfants précoces ont quitté les collèges des Ulis pour aller à celui de Bures qui a mis en place un dispositif pour les accueillir. A l'occasion des 20 ans du Phare, Sonia avait envoyé un court texte disant son amour pour les conseillères d'orientation [7].
Poursuivre les combats de Sonia, faire en sorte qu'aucun enfant ne soit écrasé par ces regards normatifs, oui, cette perspective m'a redonné une raison de vivre, un espoir dans ces moments si douloureux où amis, famille, ulissiens, collègues, nous lui avons dit au-revoir.
François m'a offert le texte après la cérémonie en me disant que je pouvais en faire ce que je voulais. Je suis heureuse qu'il ait accepté sa publication dans Le Phare. Il s'adresse aux jeunes, mais aussi à leurs parents. C'est souvent compliqué pour un enfant de dire à ses parents en rentrant de l'école "La maîtresse a été violente parce que j'ai fait une bêtise.". Il faut vraiment leur dire et leur redire qu'aucun adulte n'a le droit de les frapper, de les rabaisser, de les insulter, de les exclure pour quelque raison que ce soit. [5] [6]
Merci à l'APEX*Ulis, merci à François.
"Nous allons continuer ensemble, comme dit l'ami, sans haine, sans arme, sans violence".
- Site officiel de l'APEX*Ulis
- E. Piotelat, Atelier 99%, 11/2011
- Phare n°44
- E. Piotelat, Non non non; 11/2010
- E. Piotelat, L'école élémentaire des Avelines, 09/2020
- E. Piotelat, En rang 2 par 2 avec le SARS Cov2, 09/2020
- Phare numéro 65
- E. Piotelat, Pourquoi aller occuper la Défense ? 11/2011
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