Espérance

Lorsque mon univers s'est effondré, les graines semées par Sonia m'ont permis de tenir.  L'amour maternel fut une corde me reliant au bateau de la vie, un radeau dans ce naufrage. 

Sonia occupant La Défense en 2011


Suite à l'atelier d'écriture sur le deuil,[1] chaque mois, je reçois un email avec un texte plus long invitant à la réflexion. En juin, il s'agissait de parler de bipédie à partir d'un extrait du livre "A grief Observed" de C.S. Lewis [2] . Cette fois-ci le thème est l'espoir à partir d'une interview de Rebbeca Solnit [3] : 

L'espérance, pour moi, ce n'est pas l'optimisme "Tout va très bien et il n'y a qu'à s’asseoir". Ceci ressemble trop au pessimisme : "C'est la merde et il n'y a rien à faire si ce n'est s'asseoir". 

L'espoir pour moi, c'est l'incertitude vue par les bouddhistes. On ne sait pas ce qui arriver et il y a peut-être de la place pour mon intervention. Oublions les certitudes que beaucoup préfèrent à l'espoir et gardons en mémoire que nous ne savons pas ce qui va se passer. 

M'asseoir sur un banc (cinq minutes avec toi) et pleurer "J'ai perdu ma fille, à quoi bon vivre ?" ou alors sourire en chantant "Tralala j'ai fait mon deuil" ; les deux attitudes sont équivalentes. L'espoir est ailleurs. Il n'est pas sur une souche d'arbre dans un cimetière ou sur une chaise à un repas de fête. Ma raison de vivre, d'attendre un peu avant de rejoindre Sonia sous Terre est dans l'incertitude. 

Peut-être que le second  tournesol qui a poussé sur le balcon sera butiné par un insecte ? 

Peut-être que la chenille qui dévore la feuille d'un tournesol deviendra un papillon ? 

Peut-être que si je partage un dessin de Sonia, il fera rêver ou sourire quelqu'un [4] ? 

Peut-être qu'une maman sécurisera son domicile si je raconte mes erreurs et évitera un accident domestique  [5] ? 

Peut-être qu'un papa prendra conscience des discriminations que subit son enfant à l'école élémentaire si je raconte ce que je n'ai pas vu  [6] ?

L'espoir est dans ce "peut-être". 

Dans l'interview, Rebbeca Solnit [3] parle du moment "Occupy Wall Street". Mort avant d'être né, on pourrait penser qu'il n'a servit a rien. Mais est-ce que Biden aurait été élu sans ça ? Il y a eu des mouvements similaires partout dans le monde. Sonia et moi avions été à la Défense [7]. Tout cela a été initié par quelques personnes à Wall Street. Et même si celles-ci ont eu une impression d'échec, d'autres leur attribue la naissance du Bitcoin. 

Les pancartes dessinées par Sonia pour remplacer les cartons confisqués par la police.


En France, le mouvement des Gilets Jaunes me semble similaire. J'avais été surprise de ne pas pouvoir approcher Macron à moins de 500m lors des "travaux de voirie" sur le campus d'Orsay. [8] Même si aucun Gilet Jaune n'arrive au pouvoir, ils ont mis une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l'exécutif en France, mais sans doute ailleurs dans le monde. 

Le confinement a été source d'espoir. Un monde sans voiture, avec des pâquerettes et des chants d'oiseau était possible. Le monde d'après fut pire que celui d'avant, notamment sur la question des libertés individuelles. L'espoir a disparu de l'horizon des étudiants oubliés, affamés, dont personne ne veut ni dans les facs, ni sur le marché du travail. Même des sans-papiers ou des soldats ont de l'espoir. Personne n'est capable de promettre autre chose que de l'incertitude aux étudiants aujourd'hui. 

Chocolat chaud après une journée d'occupation de la Défense


Certains estiment que les émissions de CO2 ont diminué de 8% l'année dernière, mais il y en a toujours plus dans l'atmosphère : 415 ppm actuellement [9]. Ce n'est pas une taxe carbone appliquée uniquement en France qui aurait changé quoique ce soit. Les émissions des autres gaz contribuant à l'effet de serre n'ont pas diminué pendant la  pandémie, notamment au-dessus des villes, ce qui fait que notre budget carbone est toujours aussi désastreux. 

L'espoir, ça aurait pu être la présence de scientifiques à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Mais leurs disputes, leurs doutes, leurs erreurs n'ont rien de médiatique. Jamais la science n'aura avancé aussi rapidement, mais jamais il n'y aura eu autant de défiance et d'incompréhension. 

Pied, pancartes et Playmobil de Sonia en 2011


L'espoir, c'est peut-être se dire que nous ne sommes pas seuls dans l'univers. La science, comme un bougie dans la nuit écrivait Carl Sagan... Avoir une perspective cosmique, se dire que nous sommes tous des humains dont l'ADN diffère très peu, que nous avons résolu le problème de la couche d'ozone et que l'on est face à un défit bien plus important si l'on ne veut pas s'éteindre comme des milliers d'espèces avant nous, sur cette planète ou peut-être d'autres... 


  1. E. Piotelat, 10 mois, 04/2021
  2. E. Piotelat, Sadique cosmique, 06/2021
  3. Rebecca Solnit, Falling Together, 05/2016
  4. E. Piotelat, Sonia dessine en classe, 07/2020
  5. E. Piotelat, Un étrange hommage, 07/2020
  6. E. Piotelat, L'école élémentaire des Avelines, 09/2020
  7. E. Piotelat, Hessel, St Exupéry et Sonia dans le Phare, 10/2020
  8. E. Piotelat, Monsieur le président, 01/2021
  9. Can we see a change in the CO2 record because of COVID-19?

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