Aujourd'hui, c'est mercredi, le jour où je reçois Charlie Hebdo... Sonia n'a pas attendu les attentats de janvier 2015 pour se rendre compte du pouvoir d'un dessin. Elle a toujours gribouillé sur ses cahiers, en général pour combler l'ennui. Et j'ai toujours essayé d'expliquer aux enseignants "C'est pour mieux se concentrer, mon enfant"... Certains m'ont répondu qu'ils savaient, que s'ils surprenaient Sonia en train de dessiner et lui demandaient ce qu'ils venaient de dire, elle répondait correctement. D'autres ont développé une certaine psychose, un seul dessin pouvant générer des échanges sur le cahier de correspondance pendant plusieurs jours avec l'établissement scolaire.
2010 : Est-ce un trouble obsessionnel ?
Son institutrice de CE2 ne supportait pas qu'elle dessine. Comme Sonia ne pouvait pas écrire sur ses cahiers, eh bien... Elle a utilisé son bras. Moi, cela m'amusait beaucoup. En fonction de la quantité d'encre sur le bras, je savais comment la journée s'était passée. Elle me racontait alors mille histoires imaginées pendant que l'enseignante devait s'égosiller et terroriser même les classes d'à côté (on a des témoignages).
Sonia avait remarqué que plus elle dessinait, plus la maîtresse était énervée. Celle-ci a fini par me convoquer. Le dialogue ressemblait un peu à ça :
- Madame, Sonia dessine sur son bras.
- Oui, j'ai remarqué. C'est de l'encre. Ca part très bien au savon.
- Vous avez déjà entendu parler des troubles obsessionnels compulsifs ?
- Oui, bien sûr. Au-revoir.
Au fond de moi, j'étais morte de rire. D'après Sonia, c'était l'enseignante qui devenait de plus en plus hystérique chaque fois qu'elle dessinait sur son bras...
2013 : Scandale en 6ième
Avec le temps, les dessins sont devenus... comment dire... moins naïfs... J'ai retrouvé celui-là de mars 2013, quand elle était en 6ième au collège Aimé Césaire.
Je viens de descendre à la cave pour retrouver "LE" dessin qui avait fait scandale à cette époque là. J'ai retrouvé beaucoup d’œuvres plus ou moins grandes illustrant des dictées ou des cahier, mais pas ce qui a valu quelques émotions à beaucoup de monde.
Au collège Aimé Césaire (classé en ZEP, ZUP, REP, enfin je ne sais plus), les cours des français des 6e7 étaient assurés par une jeune professeur, fraîchement diplômée. Sonia me racontait que certains montaient sur les tables pendant son cours, et qu'elle avait un peu de mal à percevoir le son de sa voix. Un jour, elle a donc dessiné une tombe au coin d'une feuille et inscrit le nom de la professeur. A la fin du cours, elle a froissé le papier et l'a jeté à la poubelle. Cependant, un camarade plein de bonnes intentions l'a récupéré et montré à la professeur, qui en a été malade. J'ai donc récupéré Sonia a l'infirmerie, qui l'a orientée vers le point écoute accueil jeune des Ulis, qui nous a conseillé de changer de collège au plus vite. Le psychologue s'amusait aussi de la quantité d'adultes perturbés par un simple gribouillis.
2015 : mort pour un dessin
Sonia a été très marquée par les attentats de Charlie Hebdo. Comment pouvait-on tuer quelqu'un à cause d'un dessin ? Elle avait 12 ans 1/2 au mois de janvier. Elle a décidé de planter un crayon dans une jardinière. Il y est resté pendant de longues années.
Elle allait au collège avec "Je suis Charlie" inscrit sur le bras, ce qui était loin d'être le cas de tous ses camarades.
Les dessins ici, là, partout...
En tant que mère indigne et esclavagiste, j'ai largement exploité les dessins de Sonia, que ce soit sur ce blog [1], sur le site de Futura Science [2], ou pour des conférences sur SETI [3].
Assez vite, je lui ai demandé combien elle me vendait ses dessins. Le prix dépendait de l'utilisation que j'en faisais...
Les caricatures qu'elles avaient réalisées en se dévouant pour écouter une conférence sur les écrans m'avaient coûté assez cher, mais elle le méritaient [4].
Grâce à Lily, j'ai retrouvé un blog que Sonia avait créé en 2016 [5]
En 2017, on avait créé un petit site web [6] et on y avait déposé une websérie créée par Sonia.
Merci à l'équipe de Charlie Hebdo pour la place laissée à Sonia dans le numéro de cette semaine. Ca me touche beaucoup.
Elle aurait aimé lire Riss, Tania de Montaigne ou Laure Daussy à propos d'universalisme. Nous en aurions discuté pendant des heures... Elle aurait attiré mon attention sur tel à tel dessin. Ces débats me manquent.
- E. Piotelat, Le SARS COV62 tue-t-il les enfants, 04/2020
- Combien d'E.T. au bout du fil ? 2014
- Seuls, dans l'univers, conférence à la cité des sciences en 2006.
- E. Piotelat, Cirque virtuel, 03/2018.
- S. Piotelat, Blog de la fille de l'Alien, 2016
- Elda Moreau
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