Nous sommes en automne. Les feuilles commencent à tomber à Neverland, le pays où les enfants ne grandissent plus. Les épines des conifères ont résisté aux aléas climatiques, mais ce sont leurs branches qui tombent.
A côté de la tombe de Sonia, il y a un if que j'aime bien. Quand le deuil était encore très douloureux, que je n'avais pas compris que ce n'était pas une maladie, le rouge-gorge qui s'y cachait me réconfortait [1].
J'ai compris qu'il y avait de la vie dans ce lieu, comme lorsque les insectes bourdent autour des chardons qui ont fleuri cet été sur les tombes abandonnées du vieux cimetière.
Neverland est un lieu où la vie s'attaque aux arbres morts, comme ce lierre qui doit abriter quelques araignées.
Or cette abondance de biodiversité n'est pas du goût de tous. Un cimetière, ça doit être carré, propre, sans une feuille morte ni un brin d'herbe plus haut que l'autre. Au fil des mois, les branches de l'if ont commencé à descendre vers le sol chaque fois qu'il pleuvait, et à remonter dès que le temps était plus sec.
Mai 2024 |
Juillet 2024 |
Août 2024 |
Elles se sont mises à envelopper la tombe de Sonia, un peu comme pour la protéger. Les branches ont recouvert les tombes voisines de Marie Dupuy (1911-2011) et de Rémy Dupuy (1943-1976), sur lesquelles je n'ai jamais vu de chrysanthème, ni personne se recueillir. S'agit-il d'une mère reposant près de son fils unique ?
Dimanche 15, un vieux monsieur qui cherchait des champignons dans le cimetière s'est arrêté pour me parler de cet if et proposer de couper des branches. Je lui ai répondu que ça ne me dérangeait pas plus que ça, et que la mairie avait été informée par une dame il y a quelques semaines de cela.
Je le croise de nouveau le 17 septembre, et tout fier, il me dit qu'il a coupé les branches, avec beaucoup de mal pour certaines.
Même avec quelques branches en moins, l'if ressemble toujours à une espèce de doigt d'honneur géant levé vers le ciel, un peu comme pour chanter "I'll survive !".
La vie trouve toujours un chemin (dixit jurassic parc) ! C'est le premier été où je vois le vieux cimetière aussi fleuri, grâce à l'interdiction des produits phytopharmaceutiques !
Ajout le 24 septembre :
- E. Piotelat, Cinq saisons, 12/2021
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