Mi-décembre, en passant devant la boutique Fil et Tissus au centre-ville des Ulis, j'ai aperçu des tournesols. Il y a une éternité que je n'ai pas fait de broderie, après plusieurs jours d'hésitation, sachant pertinemment que la probabilité que je le finisse était nulle, je suis entrée et j'ai acheté le canevas. Une fois à la maison, ce fut l'occasion d'un vertigineux voyage temporel.
Note technique
La vendeuse m'a expliqué que d'habitude, elle ne propose des canevas que sur commande et qu'elle a fait une exception pour les fêtes. Elle a recherché tous les fils nécessaires en me conseillant de coller un petit bout de chaque avec la référence sur un carton. La couleur du fil est légèrement différente de celle de la peinture sur le canevas, le repérage permet de ne pas trop s'emmêler dans les teintes similaires comme les trois bleus de la tête de l'oiseau.Cela faisait très longtemps que je n'avais pas brodé et encore plus longtemps que je n'avais pas terminé de canevas. Elle m'a invitée à revenir lui montré l'oeuvre finie. J'ai pensé aux canevas commencés avec Sonia et lui ai donné rendez-vous dans 10 ans.
1956 : En attendant la fin du monde !
Les tournesols de ce canevas m'ont propulsée en pleine guerre froide, à une époque où l'on avait peur que le premier bloc qui utilise l'arme nucléaire détruise la planète entière. "Broderie" est le titre d'une nouvelle de Ray Bradbury, publiée en France par les éditions Denoël dans le recueil "Les Pommes d'or du Soleil". Le livre de poche de ma bibliothèque a été imprimé en 1979, mais j'ai dû le lire bien plus tard, sans doute vers 1990 au sortir de l'adolescence.
Cette nouvelle m'avait marquée. Trois femmes brodent en attendant la fin du monde qui doit se produire à 17 heures et en se demandant si c'est la peine d'aller faire cuire les petits pois.
Le motif était bienvenu, le soleil jaune jetait ses rayons sur le champs vert, la route brune tournait vers la petite maison rose brodée, mais sur le visage de l'homme arrêté sur la route il y avait quelque chose qui n'allait pas.- Je n'ai plus qu'à défaire tout le modèle et à le refaire comme il faut, dit-elle.- Quel dommage ! Toutes trois regardaient fixement la jolie scène et le défaut qui gâchait tout.
Vais-je terminer le canevas avant la fin de la guerre en Ukraine ou à Gaza, et avant la fin du monde qu'elle vienne par l'arme atomique ou le dérèglement climatique ?
Années 80 : Colombine
Je pense que le dernier canevas que j'ai terminé date de mon adolescence. En 2012, je l'avais offert à Sonia qui avait eu besoin de réconfort pour trouver le sommeil et ne pas faire trop de cauchemars suite à un événement traumatique [1].
Sonia faisant semblant de dormir en mars 2012 |
Le lit a été changé, mais la tapisserie est restée au même endroit.
Aquariophilie en septembre 2012 |
Aujourd'hui encore, Colombine apporte un peu de sérénité dans la chambre de Sonia.
Les canevas à finir...
Il y a une époque, on trouvait un vendeur de canevas sur le marché des Ulis. Sonia et moi en avions choisi un chacun, et ni l'une ni l'autre ne l'a terminé. Celui de Sonia est de loin le plus avancé !
De là vient aussi mon doute sur ma capacité à terminer le canevas "Plume et Soleil" avant la fin du monde ! J'essaierai de faire état de son avancement au cours de l'année 2024. Nul doute que certains points seront des prétextes à raconter l'histoire de Sonia, encore et toujours [2] !
La seconde femme se mit à enlever les fils avec des petits ciseaux adroits et scintillants. Le modèle s'en allait fil après fil. Elle tirait et arrachait avec un acharnement presque rageur. La figure de l'homme avait disparu. Elle continuait à tirer les fils.
R. Bradbury. "Borderie".
Il ne me reste qu'à souhaiter une joyeuse fin du monde, euh non, année 2024 !
Etat des lieux le 31 janvier 2024 :
Bilan du premier mars :
Premier avril : fini !
- E. Piotelat, Pirouette Cacahuète, 07/2012
- E. Piotelat, Tant que l'on raconte son histoire, 07/2020
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