Proxima et protocoles SETI...

Depuis le 18 décembre dernier et l'annonce dans la presse du signal BLC1 [1], des informations très intéressantes ont circulé, en français sur le blog d'Yvan Dutil [2] ou en anglais sur celui de  Jason T. Wright [3], qui explique plus en détail ses propos dans une vidéo [4].


Jill Tarter a été interrogée sur le sujet au début d'une interview consacrée au livre de Sarah Scoles "Making Contact" [5].  


Si je traduis rapidement ses propos (à partir de 1'30) : 
"L'histoire est un peu frustrante. Elle n'aurait jamais dû être rendue publique.  L'observation est problématique car il n'était pas possible d'avoir un second observatoire qui ait la capacité d'observer simultanément. C'était les données de quelqu'un d'autre qui regardait quelque chose d'autre. Il n'y avait aucune possibilité d'avoir une confirmation, une validation."

Elle évoque ensuite le signal WOW et les protocoles SETI, en particulier la déclaration de principe concernant les activités suite à la détection d'une intelligence extraterrestre [6], datant de 1989 . Pour éclairer les étapes qui auraient dû être réalisées avant que BLC1 se retrouve dans la presse, je vais faire une proxima du centaure en origami (avec du papier rouge cette fois), en suivant le tuto de Zeldaoups [7].


L'explication la plus plausible

S. Pete Worden, le directeur exécutif de Breakthrough Listen a écrit que ses équipes pensaient qu'il s'agissait d'interférence [1]. Or le premier point de la déclaration indique qu'il faut d'abord vérifier que l'explication la plus plausible est l'existence d'une intelligence extraterrestre. Ce n'est bien sûr pas le cas ici. 


Informer les autres chercheurs

Avant toute annonce publique de la découverte d'intelligence extraterrestre, l'auteur doit informer les autres organismes de recherche afin qu'ils tentent de confirmer la découverte de manière indépendante. Proxima du Centaure n'étant visible que dans l'hémisphère Sud, il aurait fallu de suite alerter par exemple les équipes de Merkaat. Si le même signal avait été détecté en Afrique du Sud, on aurait pu éliminer toute source locale (micro-onde, avion, etc...) ou tout problème dans les données (piratage, etc...). 


Cela n'est possible que si les données sont traitées en temps réel, et dans le cadre d'une recherche de signature technologique. A Parkes, ce sont les éruptions de Proxima du Centaure qui étaient étudiées. 


Pour le fameux signal WOW de 1977, le plus puissant que l'on a reçu à ce jour, même s'il y avait un opérateur, cela n'a pas été fait. C'est une raison pour laquelle Jill Tarter déclare dans l'interview qu'elle ne l'aurait pas annoncé publiquement si elle avait été dans l'Ohio à ce moment là. 

Fournir les données... 

Les astronomes ont des systèmes d'alerte en cas de découverte, par exemple d'une comète, afin que chaque observatoire puisse vérifier l'information. Une fois que les spécialistes de SETI ont confirmé qu'il s'agissait d'un signal venant d'une intelligence extraterrestre (c'est-à-dire que les deux étapes précédentes du protocole ont été effectuées), ils doivent fournir les données à toute la communauté des astronomes, mais aussi l'ONU et les principales organisations internationales liées à l'espace, à l'astronomie et aux télécommunications. 
Or là, même Jason T Writght, membre du comité  consultatif  de Breakthrough Listen, dit sur son blog [3] en savoir un peu plus que d'autres sur le signal, mais n'avoir pas eu accès aux données. 


Annonce publique

Une fois que la détection d'une intelligence extraterrestre est confirmée, l'auteur a le privilège de l'annoncer publiquement et largement à la presse scientifique et générale. 
Dans le cas de BLC1, l'auteur serait Shane Smith, le stagiaire qui a remarqué "un truc" dans les données, et peut-être aussi  Sofia Sheikh qui prépare des articles sur l'analyse des données de BLC1. Or ni l'un, ni l'autre n'a eu l'honneur d'annoncer l'information, puisqu'elle a fuité, sans que l'on sache vraiment par qui. 


Publications, conférences...

La communauté scientifique doit avoir accès à toutes les données afin de pouvoir confirmer la découverte. Cela peut se faire par des publications, des conférences, etc...


 Pour l'instant, les articles sont en préparation. 

Archivage permanent

La découverte doit être confirmée et surveillée. Tout donnée prouvant l'existence d'intelligence extraterrestre doit être enregistrée et stockée de manière permanente afin d'être utilisables pour des analyses ultérieures. Elles doivent être à la disposition des instituions précédemment citées (ONU, etc...)  et des scientifiques. 


Protection des fréquences

Si le signal est reçu sous forme électromagnétique (ce qui est le cas), les signataires de la déclaration [6] doivent chercher un accord pour limiter les émissions à la fréquence donnée (980MHz pour le cas de BLC1). 



Pas de réponse

Aucune réponse ne doit être apportée au signal sans que les consultations appropriées n'aient lieu au niveau international. Cela fait l'objet d'un autre protocole [10]. 


 BLC1 ne comporte qu'un simple ton, comme une sonnerie de téléphone, sans message (modulation de fréquence). Devrait-on aussi envoyer un "tuuuuuuuuut" vers Proxima du Centaure ? 

Une mise à jour continue des procédures

Cette déclaration de principes date de 1989. A l'époque, comme le dit Jill Tarter dans l'interview, le but était que les soviétiques informent les américains si jamais ils recevaient un signal d'une intelligence extraterrestre. 


Les choses ont changé, mais les grandes idées restent d'actualité. 


Avec internet, difficile de garder le secret et d'informer les collègues sans que le monde entier soit au courant. La fuite de l'information concernant BLC1 l'a encore prouvé. 



Cependant, le fait qu'il n'y ait pas de publications scientifiques, pas de données, et surtout pas de vérification possible par une autre source, montre que l'on a un signal candidat parmi tant d'autres et qu'il ne mérite sans doute pas les unes de la presse généraliste, comme le prouve l'échelle de Rio. 

Tout à fait d'accord avec Jill Tarter : BLC1, c'est "Nope"... 

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