Dopamine au tournesol

 Dans un précédent billet [1], j'ai listé les choses qui m'ont permis d'aller mieux (enfin je crois). J'ai cependant oublié de mentionner, les jeux stupides avec des tournesols dedans. 


Des tournesols contre les zombies.

Peu après le décès de Sonia, Nathalie [2] m'a conseillé des jeux qui permettent d'activer le circuit de la récompense. Le fait de gagner permet d'augmenter la dopamine dans le cerveau [3]. Elle a ajouté que dans Plants vs Zombies [4], il y avait des tournesols, qui généraient des soleils qui permettaient d'avoir des plantes pour chasser les zombies. 


Je l'ai donc téléchargé. Le premier effet était d'avoir un jeu avec lequel je n'ait pas joué avec Sonia. Au lieu de m'enfermer dans un passé à revivre des moments ludique, le fait d'évoluer dans un univers nouveau a ouvert une porte vers le futur, vers une vie sans Sonia dans laquelle il allait bien falloir que je construise quelque chose d'autre. C'est le type de jeu qui occupe assez le cerveau pour que celui-ci arrête de remuer des idées noires, mais pas assez pour le fatiguer. 


J'ai arrêté d'y jouer pendant quelques jours quand je suis arrivée à un niveau "l'âge des ténèbres". Les  tombes qui apparaissaient me mettaient mal à l'aise, un peu comme si jouer dans un cimetière n'était pas bien. 



Jouer à la fleuriste

Il arrivait que Sonia me prête son smartphone pour me montrer de tel jeux. Elle gérait un groupe sur Amino, et avait besoin de "coins" pour récompenser les créateurs ou les membres actifs. Il est possible d'en récupérer en jouant à certains jeux, qui souvent sont assez répétitifs et demandent encore moins de temps de cerveau disponible que plants vs zombies.  Comme en général ça l'ennuyait, elle me demandait si je pouvais pas rassembler des petits chats tout en regardant un truc à la TV pendant qu'elle vaquait à des occupations plus studieuses. [5] 


J'ai continué à jouer les bonnes fées sur son groupe, et dernièrement, Amino m'a proposé de télécharger Garden World [6]. En plein confinement où les fleuristes sont considérés comme non essentiels, ça m'a fait du bien d'obtenir le plus de tournesols possible afin de satisfaire les clients de plus en plus exigeants. Ce jeu ne demande aucune réflexion, il a un côté très addictif, ce qui prouve que le cerveau doit produire pas mal de dopamine.... 


Heureusement, plus le niveau augmente, plus il faut attendre pour produire les plantes que demandent des clients. Le côté addictif ne dure pas longtemps. 

Emotions, pompiers et managers

Nathalie m'avait envoyé le lien vers une BD il y a quelques mois [7]. Je l'avais survolée, mais n'y avait pas vraiment trouvé d'intérêt. Dire à quelqu'un qui veut se suicider pour arrêter de souffrir que des sages bouddhistes pensent que les douleurs émotionnelles persistent après la mort, ne me semblait pas hyper convaincant. Oui... J'avais lu surtout la fin, le reste me semblant sans doute trop puéril. Et puis, c'était l'époque où je dormais très peu, donc je n'avais pas le cerveau à cela. 

Au détour d'une discussion sur les addictions, elle a évoqué cette BD [7] et le rôle des pompiers. Là, je l'ai vraiment lue, à tête plus reposée... et j'avoue que je l'ai trouvée intéressante. 

En gros, on a tous au fond de nous des blessures, qui peuvent remonter très très loin, par exemple suite à une réflexion d'une institutrice à l'école primaire. 

Dessin de Sonia pour "The unwounded". 

Le cerveau va tout faire pour oublier cette part blessée. 

D'un côté, des pompiers vont jeter de l'eau pour éteindre l'incendie dès qu'une flamme apparaît. Ce sont tous les trucs qui atténuent la douleur, provoquent du plaisir : l'alcool, les drogues, les jeux vidéos, les tournesols, le bain moussant, etc... Ils peuvent conduire jusqu'au suicide, moyen extrême pour supprimer la douleur. 

Dessin de Sonia pour "The unwounded". 

En face d'eux, les managers vont nous éviter d'être confrontés de nouveau à la douleur. Par exemple, en fin de CP, Sonia refusait d'écrire. C'était un moyen efficace pour que l'institutrice ne critique pas son écriture ou ne lui reproche pas de faire des chiffres à l'envers. 

Dessin de Sonia pour "The unwounded". 

Les managers vont aussi rentrer en conflit avec les pompiers. C'est la petite voix qui nous dit que l'on perd notre temps avec les jeux vidéos idiots qui n'apportent rien ou que les tournesols, ça va bien 5 minutes... 


En nous focalisant sur cette tension entre les comportements réactifs (les pompiers qui font diversion), et proactifs (les managers qui évitent que la situation se reproduise), on finit par oublier la blessure. 

Une fois que l'on a plus ou moins identifié les protecteurs proactifs et réactifs, ça ne permet pas toujours de trouver quelles sont les blessures qui nous empêchent d'écrire ou de parler de nous, comme l'explique Nathalie sur son billet "Accéder au traumatisme" [8]. 


Si cette thérapie, appelée IFS, pour "Internal Family Systems" peut avoir des limites, elle amène à accepter les pompiers. Le problème, c'est l'incendie, pas le jeu vidéo qui essaie de l'éteindre ou le bouclier qui nous interdit d'aller voie sur place ce qui se passe. 
  
Dans un billet "Je, tu nous" [9], Nathalie partage une vidéo de François Doze, qui explique comment il est arrivé à papoter avec l'enfant qu'il était à 8 ans, à se rendre compte que dernier d'une famille de 5 enfant, on ne l'écoutait pas, ce qui fait qu'aujourd'hui, parler de lui était difficile...

Dessin de Sonia pour "The unwounded". 

Je n'ai jamais vraiment accroché à tout ce qui art-thérapie, pleine conscience, etc... L'IFS me semble très rationnelle. Le protecteurs réactifs procurent de la dopamine dont le cerveau a besoin pour soulager la douleur, les proactifs évitent que l'on ait accès à la blessure. Et plus les protecteurs sont en conflit, moins la blessure est accessible.

Bref, regarder la Lune, des photos de tournesol, boire un verre de bon vin ou jouer à des jeux vidéos, on en a tous besoin en ce moment. S'il y a un problème, il est ailleurs... 


Merci beaucoup Nathalie pour ces pistes de réflexions... J'ai rendez-vous avec une fillette qui pleure à la cantine de Saint-Germain-du-Bois en 1974.


  1. E. Piotelat, La vie après la mort, 11/2020
  2. N Faure, Le Chemin de Beauté.
  3. Psy&Geek, Dans le cerveau (limbique) d'un gamer.
  4. Plants versus Zombies 2 sur Appstore ou Google Play
  5. Cute cat Go go sur Google Play
  6. Garden World sur Google Play. 
  7. Art-mella, Emotions, enquêtes et mode d'emploi (extrait)
  8. N Faure, Accéder au traumatisme, 06/2019
  9. N Faure, Je, tu, nous, 03/2019

Commentaires

Emmanuelle a dit…
Tu as essayé les ronrons de chats ? Le chat est thérapeute (à condition de n'avoir pas lui-même besoin qu'on le guérisse de ses propres blessures)...
Sinon, je confirme l'effet du chocolat... il a néanmoins l'inconvénient majeur de faire rétrécir les jeans...
Un gros câlin virtuel à toi...
Elisabeth a dit…
Là, je vais devoir prendre par la main une petite Elisabeth d'une dizaine d'années, qui s'est réveillée un matin pour dire bonjour aux petits lapins qui étaient sortis du trou la veille pour la première fois et qui a trouvé une mare de sang, avec des têtes d'un côté, le reste du corps ailleurs, même pas mangé, juste tué pour le plaisir par le chat du voisin...
l'extraterrestre Alf m'a un peu aidé. Le chat, il tient dans le micro-onde ?
Elisabeth a dit…
C'est intéressant... Au lieu d'évoquer ce souvenir (douloureux), j'ai failli te répondre que je ne pouvais pas avoir de chat car j'avais des perruches et des poissons (qui seraient mangés par le chat, ou au minimum pourchassés, sauf à enfermer le chat sur le balcon pour qu'il s'amuse avec les pigeons).
Même si c'est Sonia qui a demandé à avoir des poissons et qui a acheté une cage, puis une perruche, je crois apercevoir le bouclier d'un manager qui a voulu m'éviter d'être confronté de nouveau à cette vision sanglante...
Emmanuelle a dit…
Ce qu'il te faut, c'est un chat-patate, comme le mien...
Les mésanges lui mangent sous le nez... elle les regarde... et elle vient me chercher quand la pie ou le geai tente d'en croquer les oisillons ;-)
Emmanuelle a dit…
J'oubliais : j'ai pas de micro-ondes, et de toute façon, Faustine est trop grosse pour y entrer (reste le tambour de la machine à laver)
Muriel a dit…
Elisabeth
Si tu veux tester la ronron thérapie sans crainte pour les perruches et les poissons, j ai deux chats à la maison dont Etoile qui adore les câlins.
Bises
Muriel