Aujourd'hui, j'ai pris le temps d'écouter un débat sur la vie après la mort entre Acermendax (la tronche en biais) et quelqu'un que je ne connaissais pas, le Dr Jean-Jacques Charbonier [1]. Deux choses ont retenu mon attention. La première est la définition des différentes morts cliniques, cérébrales, etc... La seconde est la justification d'ateliers de trans-communication-hypnotiques "parce que ça fait du bien", même s'ils s'approchent d'une dérive sectaire [2].
Mort cérébrale, mort clinique
Lorsque j'ai appelé les pompiers le 26 juin à 6 heures du matin [3], il était sans doute déjà trop tard. Mais même si la porte de la salle de bain n'avait pas été fermée à clé, même si Sonia avait pu être réanimée après la noyade, dans quel état serait-elle aujourd'hui ? Si il avait raconté avoir vu la fée clochette ou avoir survolé la salle de bain avec Peter Pan alors qu'elle était en état de mort clinique, quel crédit apporter à son témoignage ?
Schéma retrouvé dans un classeur de 1ière (CC-BY-NC Sonia Piotelat 2017) |
Dès le début, JJ Charbonier dit qu'il n'a pas écrit de publications scientifiques mais des livres grand public, comme si les deux n'étaient pas compatibles. Il a créé un service de réanimation dans un petit hôpital, a travaillé ensuite dans un autre service de réanimation, et utilise cette expérience comme caution scientifique.
Je suis bien placée pour savoir que si on a des diplômes à 25 ans, ça ne prouve pas que l'on possède ce savoir à 50 ans. Par exemple, j'avais un peu oublié les dérivées et tout un tas de trucs en maths alors que je les ai utilisés pendant toutes mes études (3 années de prépa + 3 années d'écoles d'ingénieur).
Après le décès de Sonia, pendant près d'un mois, je n'avais pas envie de programmer, je ne prenais pas de plaisir à résoudre un Sudoku par exemple. Certaines activités me semblent encore compliquées. Par exemple, faire une chronique pour Fantastika [4] sur la Phosphine de Vénus me demande beaucoup d'effort. Je n'ai pas encore lu les articles publiés après le buzz de Nature afin de me faire un avis, ou au pire de présenter les arguments des chercheurs qui remettent en cause la découverte.
Je sais que je ne suis pas la seule victime de ce stress post-traumatique, je ne suis pas la seule à avoir eu du mal à retrouver un sommeil normal. Même si c'est leur métier, les policiers, les pompiers (à qui on peut faire un don [5]), les secouristes qui sont intervenus ont sans doute aussi été perturbés par le décès d'une jeune fille. Le personnel des services de réanimation a sans doute vu des tas des patients mourir. Ecouter les témoignages de ceux qui ont survécu, croire à une vie après la mort leur permet peut-être de continuer à exercer ce métier.
Parce que ça fait du bien...
Dans la dernière partie de la vidéo [1], il y est question d'un enfant de 7 ans qui a pu communiquer avec sa jeune sœur décédée lors d'un atelier de trans-communication-hypnotique... J.J Charbonier se défend en disant que c'est mieux que d'aller voir un psychiatre ou de prendre des médicaments.
Suite au décès de Sonia, j'ai mis 2 ou 3 jours avant de prendre un rendez-vous médical. Mon médecin généraliste m'a prescrit un anxiolytique, le Bromazépan. Cela n'a pas empêché les réveils à 5 heures du matin, en particulier les vendredis, mais cela m'a aidé à trouver le sommeil dans les jours qui ont suivi le drame.
Quand Acermendax souligne le risque de l'hypnose pour un enfant de 7 ans, JJ Charbonier se défend en disant qu'il s'agit plutôt de méditation guidée...
L'un des meilleurs conseils que l'on m'ait donné, c'est de faire de la marche à pieds. J'ai souvent retrouvé le calme en descendant au cimetière. Ce n'est pas de la méditation à proprement parlé, plutôt un gloubi boulga de "et si..." qui finissait par retomber devant la tombe.
Sa tombe est pour moi une balise, le lieu où il y a ses cendres. Je n'ai jamais pensé qu'il puisse y avoir une âme, un esprit, un dieu ou quelque chose avec lequel communiquer. En revanche, j'ai passé beaucoup de temps à admirer la vie, qu'il s'agisse de couper les tiges du bouquet de tournesol pour qu'il dure plus longtemps ou de rechercher une libellule.
J'ai aussi beaucoup utilisé l'Ipad, pas vraiment pour méditer, mais plus pour continuer à faire comme si elle était là. Par exemple, nous avions toutes les deux une façon différente de jouer à Minecraft. Elle ne construisait pas de lit, en disant que c'était "pour les faibles" et partait en exploration alors que j'avais un comportement très sédentaire, en construisant d'abord un lit, puis un jardin, etc... Il arrivait qu'elle m'invite dans ses mondes pour me montrer ce qu'elle avait fait. Alors bien sûr, après son départ, je me suis plongée dans ce qu'elle avait créé sur Minecraft en m'interdisant d'y construire un lit. C'est une manière de communiquer de manière décalée, de jouer ensemble, de marcher toujours et encore plus loin, mais de manière virtuelle.
J'utilise aussi l'application "Puzzles Magiques" [6] pour jouer non pas avec Sonia (elle ne l'utilisait jamais), mais avec des photos de Sonia. C'est plutôt un prétexte pour voyager dans le passé, par exemple en me retrouvant à Japan Expo avec elle, tout en laissant mes pensées vagabonder. Certains pourraient appeler ça de la méditation guidée... mais bof... Cela dit, pour un enfant de 7 ans, il y a sans doute moins de risque de jouer à Minecraft ou de faire un puzzle de sa sœur que d'aller dans un atelier de communication-trans-hypnotique.
J'ai recherché rapidement s'il existait des applications de e-santé spécifiques au deuil. Je suis tombée sur des trucs genre "petit bambou" que je n'ai pas testés parce que ça me semblait hors sujet. De temps en temps, je passe un peu de temps sur Tourou Nagashi Photo Frame [7]. Voir une Sonia de 6 mois à côté d'une Sonia de 16 ans permet de réfléchir à la vie, l'univers et au reste.
Est-ce que la mort est plus dure à supporter quand on est athée et plutôt rationaliste que quand on est religieux ou que l'on croit à une vie après la mort ? Je n'en suis pas certaine. L'ADN de Sonia est partout dans l'appartement, donc je n'ai pas besoin de chercher quelque chose d'immatériel. Il me suffit d'une mèche de cheveux ou d'un zap book avec des dessins pour la toucher, scientifiquement parlant. Ses idées, son humour, ses pensées, sont partout, que ce soit dans le choix des BD qu'elle a achetées, dans ses textes, dans ses dessins. Pourquoi chercher à communiquer avec un fantôme quand il y a tant à explorer, à comprendre à partir des indices laissés ?
Comme le dit assez bien Acermendax, on peut être rationaliste pur et dur, matérialiste, etc... et adorer les fictions. Je me suis amusée à imaginer que l'esprit de Sonia avait été transféré dans celui des perruches, qui sont très bavardes devant certaines séries Netflix, mais sont indifférentes à BFMTV (et la plupart des trucs que Sonia ne regardait pas trop). Il y a plein de théories de fans de "The Dragon Prince" disant que l'esprit du roi Harrow est dans son oiseau Pip grâce à la magie noire. Les hirondelles des fenêtres sont les esprits des jeunes enfants morts dans le roman "The little white bird" de J.M Barries, qui a perdu son frère à 6 ans [8].
But he [Peter Pan] has still a vague memory that he was a human once, and it makes him especially kind to the house-swallows when they revisit the island, for house-swallows are the spirits of little children who have died. They always build in the eaves of the houses where they lived when they were humans, and sometimes they try to fly in at a nursery window, and perhaps that is why Peter loves them best of all the birds.
Ce n'est pas plus crédible qu'un truc médiumnique, mais au moins, c'est poétique.
Bravo à Acermendax d'avoir gardé son calme ! Si des mamans en deuil peuvent trouver comme moi du réconfort avec du Bromazépan, de la marche à pied, les jeux vidéos ou l'oeuvre de J.M. Barrie, tant mieux, mais je suis convaincue que chacune aura son chemin, son parcours en fonction de sa relation avec l'enfant disparu. Il y a plein d'autres choses qui m'ont fait du bien, comme écrire sur ce blog, plier des origamis, créer un site web à sa mémoire, sans avoir à faire appel à des charlatans. Je dois beaucoup à ma famille, aux amies, aux voisins, aux collègues dont le soutien à été inestimable. J'aimerais à mon tour pouvoir aider, mais c'est compliqué de trouver les mots... Il y a une vie après la mort de son enfant, mais elle est différente.
- DEBAT - La vie après la mort
- Il prétend aider à contacter les morts : le business du sulfureux docteur Charbonier
- E. Piotelat, Un étrange hommage, 07/2020
- Fantastika
- Cagnotte en ligne de l'Amicale des sapeurs pompiers d'Orsay-Les Ulis
- Puzzles Magiques.
- Tourou Nagashi Photo Frame
- J. M. Barrie, The Little White Bird, chapitre 18
Commentaires
Ces histoires d'hypnose sont inquiétantes, je trouve... tout comme toi, je retrouve ceux que j'aime dans les objets qu'ils ont manipulés, les lieux qu'ils aimaient, des plantes auxquelles je les avais inconsciemment associés...
et ils vivent à travers ce dont nous nous souvenons à propos d'eux, à travers ce que nous sommes et nos comportements... c'est peut-être "juste" ça, la vie après la mort... mais c'est pas si mal, si toujours, quelque part, il reste des gens pour se souvenir qu'un jour, on a été là et fait des choses utiles ou futiles...