13 novembre 2015 + 4

Je vais parler d'une BD. Mais je ne sais pas comment commencer.
Le titre : "Chroniques d'une survivante"
L'auteur : "Catherine Bertrand".



Dois-je dire qu'elle se trouvait à l'intérieur du Bataclan le 13 novembre 2015 ? Bon, admettons que oui. Parce que, bon, c'est quand même le sujet de la BD. Mais bon, avant d'être une victime (si, si...) du terrorisme, avant de se transformer en bête de foire (vu au Bataclan et accessoirement à la TV), c'est avant tout une dessinatrice de talent, qui ne manque pas d'humour.


Je ne sais pas vraiment commencer. Je pourrais comparer cette BD avec Catharsis de Luz [1]. Le 7 janvier, ça faisait "Tak", le 13 novembre, ça faisait "Tac", mais si non, les deux ouvrages sont en noir et blanc. Mais faut-il comparer les drames personnels ou les coups de crayon ?
Si je me trouvais face à Catherine Bertrand je ne sais pas quels mots employer. Bon, à la fin de la BD, il y a une page entière sur les trucs à ne pas dire. J'avoue, j'ai éclaté de rire avec le "Tu ne vas pas te laisser abattre", mais c'était un rire façon Joker. Bon, j'espérais un peu la croiser à Angoulême [2], Mais bon, je pense que j'aurais été très intimidée devant une survivante. A la fin de la BD, elle a dit que l'on pouvait colorier, alors j'ai obéit.


Le jeu de l'oie montre à merveille comment la résilience est impossible à atteindre. Pour nous qui étions à l'extérieur du Bataclan, c'est un petit boulet, dont la taille est inversement proportionnelle à la distance. Quand c'est arrivé, j'étais aux Ulis, donc à une trentaine de kilomètres, et je venais de découvrir "Au clair de la Lune en LSF". Mais chaque année (sauf en 2017), j'utilise ce blog pour extérioriser plus ou moins ce que je ressens [3] [4] [5].


Bon, s'il y a une chose que l'on ne peut pas gribouiller, c'est le boulet. Il me semble plus gros que celui qui a hanté mon enfance, dans Albator 78.


Catherine Bertrand parvient à dessiner toutes les blessures que l'on ne voit pas, tout ce que l'on traîne et qui ne se soigne pas vraiment, si ce n'est en prenant des somnifères ou des anxiolytiques pour que le cerveau puisse rester endormi suite aux crises d'angoisse.

Les petits tracas quotidiens, comme les bruits d'un marteau piqueur ou une porte qui claque, prennent une ampleur inimaginable. La crise de l'hôpital, le manque de personnel, la saturation de pas mal de services publics sont devenus des obstacles insurmontables.


"Chronique d'une survivante" amène avant tout à tendre la main à l'autre, sans juger. La peur des bruits, de la foule, la difficulté de sortir de chez soi, les trous de mémoire, la musique dans la tête, tout ça, en vrac, c'est l'état de stress post traumatique.

A plusieurs reprises, j'ai pensé à des scènes du film "Joker" [7] évoqué plus haut. Harcèlement, handicap, pauvreté, viol, victime d'attentat, tous les boulets se ressemblent-ils ?


Et parler de Joker dans un billet de blog qu'une victime pourrait éventuellement lire, bon, c'est pas malin. Quand on était au Bataclan le 13 novembre 2015, ça doit être difficile d'aller dans une salle de cinéma, et encore plus d'aller voir un film avec de la tension autour d'une arme à feu. Je parle d'une BD. Mais je ne sais pas comment éviter le hors sujet.

Que puis-je faire ? En devenant secouriste du travail, j'ai appris à utiliser un garrot tourniquet. Le formateur nous a expliqué que depuis le Bataclan, ce geste était enseigné car il fallait savoir s'occuper de plusieurs victimes en même temps, même s'il y avait un risque de perte de membre. L'important était de sauver des vies, après avoir sauvé la sienne. En lisant la BD, j'ai compris que je n'utiliserai jamais de garrot si je me trouve par hasard sur les lieux d'un attentat. Je n'en aurais jamais la force, le cerveau ne fonctionne pas pas comme ça.

Que pouvons nous faire ? Tendre une main et pourquoi pas donner un peu à l'association "Life for Paris" [6] qui n'a récolté que 670 euros en 2018, essentiellement de la part de proches des victimes.

  1. E. Piotelat, l'humour à mort, 12/2015
  2. E. PIotelat, Angoulême, 01/2019
  3. E. Piotelat, 13 novembre  2015 + 3, 11/2018
  4. Archives novembre 2015
  5. E. Piotelat, Triste dimanche, 11/2016
  6. Soutien Life for Paris
  7. E. Piotelat, Joker, 10/2019

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