Famille écran Essonne

Je viens de ressentir une honte abyssale en voyant un tweet [1]...
Que signifie cette page sur les écrans dans le schéma départemental d'aide à l'enfance et aux familles de l'@CDEssonne
Je suppose que c'est la raison pour laquelle @LDarcos a tellement insisté pour prendre la défense du bon Dr #Ducanda ?
#AutismeVirtuel 

Ingénieure ? 

J'ai eu envie de répondre de suite, en mode Schtroumph grognon... et puis, bon, j'ai réfléchi (si, si, ça m'arrive). J'ai cliqué sur le lien [2], et là, surprise, madame Marhuenda, maire des Ulis mais aussi vice-présidente déléguée en charge des familles, de la solidarité et de la santé présente ce fascicule.


Que des maires écrivent ou disent des bêtises, pourquoi pas... Mais là non... pas quelqu'un qui a été diplômée de l'Ecole Polytechnique Féminine  [3] ! C'est juste pas possible !  Elle ne va pas cautionner un truc avec un copier-coller des propos aberrants d'Anne-lise Ducanda dont j'ai déjà parlé sur ce blog [4] [5].

Concomitance et causalité

Le gros truc du département de l'Essonne en ce moment, c'est le développement du plateau de Saclay [6], avec plein d'intelligence artificielle partout, des robots, une université, des écoles d'ingénieurs, un lycée international prévu qui sera par conséquent très sélectif. Dans ce cadre là, des écoles maternelles commencent à enseigner l'anglais 4h par semaine à Gif-sur-Yvette par exemple, tandis que tel collège proposera de l'Italien dès la 5ième et tel autre une classe européenne espagnol. Quel mal y a-t-il à associer deux lettres comme "OI", "LO", "ZO" en jouant au Scrabble avec James ?

Que des élus ou des professionnels de la petite enfance dressent un constat sur l'augmentation des écrans dans les foyers puis écrivent ceci, pourquoi pas :
De façon concomitante, on observe une augmentation de plus en plus précoce des troubles du comportement.
 S'il y a deux événements qui se passent en même temps (donc qui sont concomitants), il n'y a aucune raison qu'il y ait un lien entre eux. Si je joue à reconstituer un TajMahal et que la vitre de l'opticien est fissurée, je ne peux pas dire que quelqu'un a lancé un caillou sur la vitre parce qu'il existe un jeu de puzzle sur écran, ni que j'ai joué à ce jeu parce qu'il y avait des violences en ville.


Donc, le constat, c'est ça : y'a deux trucs qui arrivent en ce moment :
  • les écrans 
  • troubles du comportement

Parallèlisme et causalité

Il y a un troisième truc, qui n'est plus concomitant mais parallèle... 
Parallèlement, on constate une augmentation des mineurs relevant de
la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), notamment pour des demandes d’intervention d’auxiliaire de vie sociale en milieu scolaire pour des troubles de l’attention et du comportement. (3163 notifications en 2015 contre 1045 en 2010).
Si je joue à Tetris, j'ai parallèlement des carrés oranges et des bleus... mais encore une fois, sans causalité.


Pire, l'argument du nombre d'AVS est complètement foireux. Ce n'est pas parce que plus d'enfants demandent de l'aide qu'ils sont plus nombreux à en avoir besoin. Peut-être qu'en 2010, soit les enseignants savaient "gérer" un enfant avec des troubles (et beaucoup le font très bien), soit les familles étaient moins informées de l'aide dont elles pouvaient bénéficier. 

Objectifs

Que veut faire le département de l'Essonne avec ses petits bras musclés (ceux qui lavent plus blanc que blanc) et les moyens financiers incroyables ?

Prévenir les risques liés à l’utilisation précoce des écrans chez les jeunes enfants.
Favoriser une prise de conscience tant des professionnels que des familles.
Soutenir les familles dans leur parentalité pour des réponses adaptées aux besoins des enfants.
Dans les constats, on était dans des trucs parallèles, concomitants. Là, on a clairement basculé dans une relation de causalité. C'est à cause des écrans qu'il y a des troubles du comportement et qu'il faut plus d'AVS.


Pour la prise de conscience des professionnels, on a vu la catastrophe avec le reportage d'Envoyé Spécial aux Ulis [7]. On a des enfants qui ont une incroyable culture du jeu vidéo et des nouvelles technologies, moqués par des instituteurs complètement déconnectés. Ce serait bien que professionnels et familles se rendent compte que l'on a un peu changé de siècle ! Il n'y a que dans les écoles qu'il n'y a pas d'écrans.

Modalité de mise en oeuvre 

Pour réaliser ces objectifs, le département va donc organiser des conférences, faire des belles plaquettes, et mettre des lignes dans le carnet de santé... 

S'il s'agit de demander à Daphné Bavelier [8] d'intervenir, ou à n'importe quel chercheur qui a publié des articles scientifiques sur le jeu vidéo par exemple, ça ne poserait aucun problème. En revanche, j'ai un peu peur qu'il s'agisse d'artistes de cirque.


Quand on a entendu Anne-Lise Ducanda aux Ulis, on voit la catastrophe arriver [4] [5] ! Autant parler d'homéopathie dans le carnet de santé. Ce sera plus efficace. Pour rappel, le Dr Ducanda a été convoquée devant l'ordre des médecins pour ses propos sur l'autisme virtuel. Et le département veut dépenser des sous pour écrire "Attention aux écrans" dans les carnets de santé ? On marche sur la tête ! 

Quant aux conférences, ce serait sans doute bien plus utile d'inviter des scientifiques du plateau de Saclay parler dans les écoles, les médiathèques, etc... L'intervention de Roland Lehoucq aux Ulis était géniale ! 


Il y a aussi des spécialistes de l'autisme, de la dyslexie, des troubles de l'attention, de la précocité, etc, etc... qui peuvent raconter des choses bien plus sérieuses que ce que fait le Dr Ducanda. Et ça intéressera vraiment les familles comme les professionnels. Peut-être que si les enseignants étaient un peu mieux formés sur le fonctionnement du cerveau, sur les sciences cognitives, les familles n'auraient pas besoin de demander des AVS.

Indicateurs de résultat

Le département va dépenser de l'argent, il va donc devoir rendre des comptes. Comment ?
Là aussi, on a trois aspects :
Nombre d’actions de communication organisées.
Nombre d’enfants concernés par une exposition aux écrans dans le cadre des bilans en école maternelle.
Indicateurs de suivi de l’information préoccupante.
Des bilans d'exposition aux écrans vont être faits en école maternelle ? Il va y avoir des "informations préoccupantes". Ça sent vraiment, vraiment très mauvais... Des adultes qui n'ont aucune idée de ce qu'est Angry birds, Minecraft, GTA ou Fornite vont rédiger des bilans d'exposition aux écrans ?


Ils vont même décider que telle information est "préoccupante". Si un enfant est autiste, effectivement, ça peut être préoccupant, mais les parents n'ont pas besoin du département pour leur signaler. En revanche, ils aimeraient peut-être qu'il y ait plus de centres de ressources autisme (CRA), tandis que d'autres aimeraient ne pas attendre un an avant un bilan d'orthophoniste.

Et puis, s'il y a des gens qui agissent au quotidien pour la santé des enfants, ce sont les éboueurs. Si le conseil départemental veut vraiment agir, il peut aussi mettre son nez dans le conflit entre le SIOM et la société SEPUR...

  1. Tweet de @klauss
  2. Schéma départemental de l'enfance et des familles.
  3. Entretien avec Françoise Marhuenda.
  4. E. Piotelat, Cirque virtuel, 03/2018
  5. E. Piotelat, Ciel un écran, 03/2018
  6. Dossier Saclay Grand Paris du Petit ZPL.
  7. E. Piotelat, Art Oratoire, 10/2018
  8. Liste des publications de Daphné Bavelier et de son équipe.

Commentaires

Emmanuelle a dit…
Dès que je les aurai retirées du clavier, j'applaudirai des deux mains... merci !