Quand un inconnu me parle de décès, il peut arriver que j'aie l'impression qu'il ne fasse pas la différence entre ce chagrin et du gruau à l'ail. Il me faudrait oublier Sonia de la même manière que je ne saurais dire quand j'ai mangé des gaudes la dernière fois.
L'analogie culinaire n'est pas de moi. Elle tirée du livre "American Pie" de Michael Lee West [1] et fait l'objet de l'exercice hebdomadaire proposé par Megan Devine [2]. Pour expliquer à un néophyte qu'il ne s'agit pas de pleurer pendant 100 ans comme Aaravos, elle compare le deuil à un tas de cailloux dans la cour de sa maison.
Il est là, on passe devant tous les jours. Certains peuvent planter du lierre, de la mousse.
D'autres vont construire un mur.
Si je cherche les tas de cailloux en me promenant, leur diversité est à l'image du deuil. Mon chagrin aujourd'hui n'est pas celui d'il y a 4 ans, peut-être parce que j'ai appris à mettre des étiquettes sur ce qui pousse au milieu des pierres.
Rechercher des photos de Sonia me procure un énorme plaisir et beaucoup de cailloux sont liés à des souvenirs de promenade, de jeux avec elle. Ah, la piscine pour Télétubbies !
Le mur peut aussi être protecteur.
M’asseoir cinq minutes avec Sonia, c'est ce que je fais quand je m'arrête au cimetière, que je plie un origami en pensant à elle, ou que j'utilise une simulation. Ceux qui ne font pas la différence entre le deuil et du gruau à l'ail ne comprendront jamais...
- Site de Michel Lee West
- Megan Devine, Writing your grief
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