Pendant le confinement, on avait séparé la France en deux : il y avait les boutiques, les gens qui ne servaient à rien d'un côté, puis de l'autre les commerces dits "essentiels" et pas mal d'individus payés au SMIC dont on s'est rendu compte de l'importance du travail, qu'il s'agisse de ramasser les poubelles ou d'être à la caisse d'un supermarché.
On pensait cette ségrégation reléguée au passé, mais elle refait surface aux Ulis avec le départ à la retraite d'Esther, unique artisan-fleuriste du centre-ville. Est-ce si grave si personne ne prend la relève ?
Bouquet acheté à Floralidulis le 26 juin 2022 |
Le magasin P'tit-Frais à côté est d'accord pour s'étendre et vendre quelques fruits et légumes venus de contrées exotiques en avion. Tant pis pour la planète, la ville trouvera bien un moyen de faire du green-washing pour compenser...
Bourdon rendant visite à un tournesol sur la tombe de Sonia le 26 juin 2022 |
En octobre 2020, Floralidulis avait dû fermer, alors que Carrefour ou Truffaut restaient ouverts. Incompréhension, incohérence... Une graine de tournesol ou de haricot, c'est la même chose quand il n'y a pas besoin d'artisan pour composer un bouquet de trois fleurs ou vendre des haricots verts en conserve. En revanche, un kilo de patates et une gerbe que l'on dépose près d'un cercueil, ce n'est pas tout à fait la même chose.
Cérémonie pour la crémation le 2 juillet 2020 |
Sonia est décédée à 6 heures du matin, le 26 juin 2020. L'après-midi, une amie m'accompagnait aux PFG à Orsay pour choisir l'urne et le bois du cercueil. Il fut surtout question de prix, de protocole, dr législation funéraire. Comme nous étions toujours en pleine pandémie, le crématorium des Ulis n'autorisait qu'un seul bouquet. Sur le catalogue des PFG, il n'y avait pas de tournesol et les prix étaient exorbitants. L'amie m'a conseillé d'aller en bas de chez nous, à Floralidulis.
Non seulement, j'ai pu demander des tournesols et des fleurs des champs, mais en plus j'ai reçu l'accueil, le soutien dont j'avais besoin à ce moment là. Jusque là, je n'achetais des plantes qu'en de rares occasions quand une orchidée me faisait de l’œil ou pour mettre de la couleur sur le balcon. Esther, la fleuriste, connaissait Sonia, elle l'avait vu grandir. Plus tard, elle m'a raconté que je n'avais pas été la seule à fréquenter sa boutique dans ces heures douloureuses. Beaucoup lui avaient demandé ce qu'ils pouvaient faire. Le soir, elle m'a apporté un bouquet à la maison, offert par les enseignants de l'école des Avelines.
Ces deux dernières années, elle m'a accompagnée à maintes reprises, me conseillant sur les compositions qui tiendraient bien au cimetière, ou m'aidant à franchir, ce que les anglo-saxons appellent angelversary avec des variations autour du tournesol.
Alstromeria et lysanthius dans le bouquet de 2022 |
Gypsophile et chrysanthème autour d'un tournesol |
Rose, œillet et lysanthius |
J'ai pu admirer sa patience avec les apprenties, lorsqu'elle leur apprend à identifier les fleurs, à composer un bouquet ou à réaliser un cadeau original pour la St Valentin ou la fête des mères... Avoir des artisans au centre ville, c'est aussi ouvrir des possibilités de stage, de formations en alternance aux étudiants.
Bouquet 2021 (1er angelversary) |
Une fleuriste devient aussi essentielle que sa boutique lorsque les amoureux consolident leur couple le 14 février, quand ils se marient ou quand les enfants fêtent leurs mamans. Le 29 mai dernier, il y avait une file d'attente à l'extérieur de Floralidulis peu avant midi, alors que le marché battait son plein (avec deux stands de fleurs) et que le centre commercial était ouvert.
Qu'il s'agisse du bonheur des abeilles, des étudiants, ou de celui des mamans, une fleuriste sert à beaucoup de choses dans une ville ! Ce serait dommage qu'il n'y en ait plus aux Ulis...
Bouquet commandé pour le 26 juin une semaine après... |
Bonne retraite Esther, et merci pour tout !
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