Merveilleux scientifique

On n'a jamais autant parlé de science, avec un mélange de peur avec le variant Lambda, de doute sur le vaccin ou d'admiration devant les scientifiques qui ont mis au point des vaccin ARN aussi rapidement. On a des données, beaucoup de données, que chacun utilise avec plus ou moins de rigueur. Les épidémiologistes, les climatologues ont plus de mal à se faire entendre que les sociologues ou politologues. Peut-être parce qu'ils écrivent en anglais avec des schémas dans de prestigieuses revues et non dans la presse ? 

Il fut un temps, disons entre 1850 et 1950 où la science faisait rêver. C'était le temps de Camille Flammarion (1842-1925), de Jules Verne (1828-1905) ou d'Albert Robida (1826-1948). Dans cet ouvrage intitulé "Merveilleux scientifique" [1], Jean-Luc Boutel nous guide dans cette période suivant la seconde révolution industrielle. 

Il nous met en garde : 

"Les images que vous admirerez, réunies pour la première fois dans cet Artbook proviennent d'une collection un tant soit peu maudite et pourtant publiée en masse dans notre pays, un opéra de papier populaire qui fut un véritable laboratoire de féerie et de science".   

La couverture de l'ouvrage, signée par Henry Lanos (1859-1929), illustrait un article de Camille Flammarion dans la revue populaire "Je sais tout" en 1909. Au fil des pages, on voit se dessiner un avenir entre rêve d'espace et peur de Frankenstein. 

Les dirigeables et autres objets volants encombrent les villes. En voyant ça, je me suis dit que c'était peut-être à ce moment là que l'humanité avait perdu la raison, se souciant peu du carbone envoyé dans l'atmosphère, résonnant uniquement pour le bénéfice individuel à court terme, sans essayer de prendre de la hauteur et vers l'intelligence planétaire que décrit Grinspoon [3], ou au minimum une inquiétude sur les effets à moyen terme. Ce qui était merveilleux hier, l'est sans doute un peu moins aujourd'hui. 


Il y a quelques extraterrestres dans l'ouvrage, mais rien de très imaginatif... C'est l'humain avec une tête plus grosse. Une fois que les touristes occidentaux ont fait le tour de la Terre, il fallait chercher ailleurs l'évasion. Jean-Luc Boutel écrit : 

Si les textes abondent dans le courant littéraire du merveilleux scientifique, l'illustration dans ce domaine se fait plus rare, moins innovante, et les formes audacieuses que l'on prêtera au genre atteindront leur apogée plus tardivement, dans les années 1950, au sein des grandes collections spécialisées dans la littérature jeunesse. 

Il classe les récits en deux catégories. Soit une exploration avec des engins futuristes de mondes pas si différents des nôtres, soit une invasion comme dans la guerre des mondes d'Orson Welles (1898). L'ouvrage se termine par les biographies d'Albert Robida, d'Henry Armengol, de Maurice Toussaint et d'Henri Lanos. J'y ai trouvé une grande érudition, et je n'ai pas été étonnée de voir le nom de Joseph Altairac dans les remerciements. 


La mise en page est superbe, avec un bon équilibre entre le texte et les couvertures qui sont toutes référencées avec précision. Ce livre d'art peut être le début d'une réflexion sur l'état actuel du monde en retraçant les ambitions d'une époque à travers la culture populaire, du besoin de légitimer la colonisation à l'envie d'avoir un aéronef qui nous dépose sur notre balcon... 


  1.   J-L Boutel, Merveilleux scientifique, les Moutons Electriques, 10/2020,  ISBN : 978-2-36183-646-7
  2. Sur l'autre face du monde, Le site des passionnés de merveilleux scientifique.
  3. D. Grinspoon, In Search of Planetary Intelligence, Slate, 2013

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