L'OVNI qui ne respectait pas les lois de la physique

Je vais sortir de ma zone de confort pour parler d'OVNI. Je m'étais intéressée au sujet quand j'étais adolescente. J'avais posé des questions à des ufologues qui avaient eu la gentillesse de me répondre. Mais c'est aussi à cette époque que Carl Sagan, Jean Heidmann, François Biraud ou Albert Ducrocq m'ont amenée à examiner la question de la vie extraterrestre sous un autre angle. Mon but ici n'est pas de convaincre. C'est simplement de montrer une façon d'aborder certaines problématiques, sans prétendre que ce soit la seule. Je propose donc à mon tour de répondre aux questions et remarques qui me parviendront (soit en commentaire de ce billet, soit sur Twitter). 

Commençons par ce tweet : 

Si la presse parle d'OVNI en ce moment, c'est parce qu'un rapport doit sortir le 25 juin. A lire le rapport  publié par l'association Aéronautique et Astronautique de France (3AF) [1], on n'aura pas accès aux données, et pour les scientifiques, ça enlève tout intérêt, voire toute crédibilité. Prenons par exemple le cas de cette photo que l'on voit beaucoup dans la presse. Si je découpe la zone avec l'OVNI et que je grossit, j'ai ça : 


Même si l'engin était net, que l'on voyait sa "plaque d'immatriculation" ou le visage du conducteur, et qu'un personnage important nous assure que c'est extraterrestre, les scientifiques sortiraient la phrase de Carl Sagan : "A postulat extraordinaire, preuve extraordinaire". Une photo qui est d'une qualité suffisante pour dresser un PV pour excès de vitesse et l'envoyer à la bonne personne, ne satisfait pas les scientifiques. Ils ont besoin de plus d'avoir accès aux données : quel était la marque du RADAR ? Pleuvait-il ? Quelle est la marge d'erreur de la vitesse mesurée ? Etc, etc... 

Les données

Des protocoles ont été mis en place en cas de détection d'une intelligence extraterrestre [2]. Ils concernent les scientifiques, mais aussi les militaires et tout citoyen. Je les avais détaillés dans un précédent billet à propos du signal BLC1 [3]. Si on a juste une photo, un film, mais que l'on n'a pas plus d'informations, difficile de savoir si les lois de la physique sont respectées ou non. 

En général, les physiciens résolvent les problèmes par deux méthodes complémentaires : la théorie avec plein d'équations et la simulation numérique avec plein de puissance de calcul. Les deux ont besoin de données expérimentales. Par exemple, si je veux modéliser l'OVNI, je peux commencer à regarder en 2D ce que ça donne. Je vais commencer par le retourner avec un logiciel comme Gimp. Je m'aperçois qu'il faut une rotation de 130° pour le mettre "à plat". 


 Et maintenant qu'il est retourner, je peux essayer de le mettre en équation, soit pour appliquer des formules théoriques, soit pour rentrer les informations dans un ordinateur. Je peux par exemple dessiner une ellipse : 

Et puis une seconde : 


A partir de ces deux ellipses, je peux commencer à simuler le comportement d'un tel objet, calculer son volume si j'ai une idée de sa taille, sa masse s'il était fait de tel matériau, son énergie cinétique si je connais sa vitesse, etc, etc...  Ce n'est pas la réalité, ne serait-ce parce que la forme semble plus complexe, et surtout elle n'est pas en 2D. 

Comment avoir une idée de sa taille si l'on n'a pas d'estimation de la distance à laquelle il se trouve, ou si on n'a aucun élément de comparaison dans le paysage ? Par exemple, si un joueur de Minecraft veut reproduire cet OVNI, il peut supposer que chaque cube est composé d'un seul bloc d'obsidienne et pas de 8, mais comme il n'a aucun autre objet pour comparer, il ne peut pas être certain.   

Si j'ai un arbre, un oiseau, je peux avoir une idée de la taille apparente de l'engin : 

La Lune ou les constellations peuvent donner quelques précieuses informations sur la position de l'objet.



Le point 5 de la déclaration [2] dit que toutes les données nécessaires à la confirmation de la détection doivent être disponibles pour la communauté scientifique internationale à travers des publications, des rencontres, des conférences et tous les autres moyens appropriés.  

" All data necessary for confirmation of detection should be made available to the international scientific community through publications, meetings, conferences, and other appropriate means. "

Un rapport militaire qui ne fait que 15 à 20 pages et ne comporte aucune donnée n'est pas plus utile aux scientifiques qu'une tribune de généraux racistes.  Si la vitesse de l'engin est anormale, pourquoi cacher les chiffres ? Si c'est un drone Chinois ou Russe, ceux-ci connaissent déjà la vitesse de leurs engins. Ils pourront juste rire un bon coup et vérifier la précision des instruments de mesure des Américains. Mais si jamais c'est extraterrestre, toute l'humanité a intérêt à avoir les chiffres, pour pouvoir noircir des tableaux noirs d'équation ou lancer des simulations sur les ordinateurs les plus puissants de la planète. 


Crédibilité

Dans l'exemple ci-dessus, j'ai supposé que les protocoles s'appliquaient parce que c'était une annonce de détection d'intelligence extraterrestre :  Le point 2 précise que l'on ne fait pas de déclaration publique sans avoir une confirmation par d'autres sites indépendants. 

"Prior to making a public announcement that evidence of extraterrestrial intelligence has been detected, the discoverer should promptly inform all other observers or research organizations that are parties to this declaration, so that those other parties may seek to confirm the discovery by independent observations at other sites and so that a network can be established to enable continuous monitoring of the signal or phenomenon."

C'est-à-dire que s'il n'y a que la Navy qui a observé quelque chose et qu'elle n'a pas alerté tous les pays avec des satellites au-dessus de l'endroit incriminé pour qu'ils vérifient s'ils ont quelque chose qui "ne respecte pas les lois de la physique" dans leur données, difficile de lui accorder une quelconque crédibilité.

Des tas de choses ont des mouvements aléatoires en physique, comme par exemple un ballon de baudruche qui se dégonfle, la position des spaghettis dans l'assiette ou celle des bulles de champagne dans le verre. On ne peut pas tout modéliser, tout mettre en équation. L'arc-en-ciel respecte les lois de la physique, mais difficile là aussi de prévoir comment seront les gouttes en suspension dans l'air à telle heure de la journée. 

Si l'OVNI n'est pas quelque chose de matériel mais une espèce d'arc-en-ciel, de spectacle son et lumière, il peut très bien respecter les lois de la physique -ici de l'optique- en ayant un mouvement aléatoire. 

Il y a des tas de recherches qui sont effectuées dans le domaine de l'aéronautique. Par exemple, l'un des articles les plus lus de la revue Acta Astronautica concerne la déviation d'astéroïde par énergie neutronique [4]. Les chercheurs Chinois publient énormément d'articles comme on le constate dans le dernier numéro de cette revue [5] : apprentissage machine dans le calcul des orbites [6], propulsion [7], vols supersoniques...  

Les militaires ne sont peut-être pas au courant de tout ce que permettent les lois de la physique, ni du fait qu'américains ou européens ne sont pas les chercheurs qui publient le plus dans le domaine aéronautique... 

L'hypothèse extraterrestre n'est pas la plus crédible. C'est d'ailleurs ce qui semble ressortir de ce rapport selon les informations de 3AF [1].


  1. Synthèse du rapport d'avancement SIGMA2 2021
  2. Declaration of Principles Concerning Activities Following the Detection of Extraterrestrial Intelligence 
  3. E. Piotelat, Proxima et protocoles SETI, 12/2020
  4. Lansing S. Horan, Darren E. Holland, Megan Bruck Syal, James E. Bevins, Joseph V. Wasem, Impact of neutron energy on asteroid deflection performance, Acta Astronautica, Volume 183, 2021, Pages 29-42,ISSN 0094-5765,
  5. Acta Astronautica, Volume 184. 
  6. Hao Peng, Xiaoli Bai, Fusion of a machine learning approach and classical orbit predictions, Acta Astronautica, Volume 184, 2021, Pages 222-240
  7. Jiaming Hu, Chunbo Hu, Yanhong Che, Xiaofei Zhu, Jiangang Yang, Mengzhe Li, Chao Li, Experimental study on the working performance of powdered magnesium and liquid carbon dioxide bipropellant rocket engine for Mars missions, Acta Astronautica, Volume 184, 2021,Pages 274-285,

 

Commentaires