Un mois que tu es partie...
Un mois que je cherche des trucs. Où est passée ma raison de vivre ? Où est passé le drap de bain rose que tu avais sur les épaules la veille ? Tu sortais de la salle de bain, les cheveux sur les épaules. Je t'ai demandé si tu ne te les étais pas coupés. Tu m'as dit que non. Je t'ai serrée dans mes bras pour la dernière fois.
Un mois que les "et si", les "pourquoi" sont comme des coups de fouets.
Un mois que j'ai l'impression d'être dans des sables mouvants, de m'enfoncer, de ne pas pouvoir m'en sortir alors que le reste du monde avance...
Un mois que je repasse tes derniers jours, comme un mauvais film. Le jeudi 25, j'avais noté la température...
A 07:11:35 il y avait 24.4°C à l'intérieur, 20°C sur le balcon.
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Je me suis dépêchée d'aller faire des courses, avant qu'il y ait du monde, pendant qu'il ne faisait pas trop chaud, avant de travailler. Je ne t'ai pas réveillée. Il me semblait que tu avais besoin de sommeil. J'avais mon téléphone, tu pouvais m'appeler si tu t'inquiétais.
Quand je suis rentrée, tu avais l'air un peu perdue. M'avais-tu cherché ?
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Hier, le 25 juillet, l'opticien m'appelle "Vos lunettes sont prêtes !". Quelles lunettes ? Je réalise alors que ce sont les tiennes, celles que nous devions récupérer le 26 juin à 12h30. Encore un coup de fouet... En prévision de ce rendez-vous l'après-midi, tu as voulu te connecter sur le site de la MGEN. Tu avais reçu une lettre. Tant bien que mal, on a trouvé comment changer le mot de passe, mais impossible de trouver où mettre le RIB pour que tu sois remboursée sur ton compte. Tu m'as dit un peu dépitée "Je vais mourir !"... Je t'ai répondu que si chaque personne perdue sur le site de la MGEN se suicidait, il n'y aurait plus beaucoup d'enseignants ni de chercheurs. On a rigolé, en se disant que de toute façon, c'est moi qui allait payer et être remboursée même si tu avais 18 ans, au moins pour cette fois-ci. Je t'ai dit que toutes ces démarches, on ne les faisait qu'une fois dans sa vie, et qu'avec le confinement, c'est bien plus dur, plus long, plus compliqué. Jamais je n'aurais imaginé que ta vie s'arrêterait quelques heures plus tard...
A l'heure du goûter, il faisait 36,2°C à l'ombre. Tu détestais la chaleur. Déjà à l'école primaire, quand un animateur t'avait demandé de mettre une veste au mois de mars, tu lui avais répondu "Vous n'êtes pas au courant du réchauffement climatique ?" Non seulement, la chaleur était désagréable, mais elle évoquait un futur apocalyptique. Pendant le confinement, nous espérions toutes les deux une prise de conscience globale, mais nous avons vu ressortir le monde d'avant, en pire.
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Si j'avais su, jamais je ne me serais endormie ce soir là, jamais je ne me serais couchée... Pourquoi ne suis-je pas restée auprès de toi ?
Le 26 juin, j'ai ouvert les fenêtres en prévision d'une autre journée caniculaire. Tu m'as dit "OK" à travers la porte de la salle de bain. Tu te souviens quand tu me tendais un élastique avec une mèche de cheveux et que tu me disais en souriant "maman, j'ai du travail pour toi !" ? Selon ma patience, je prenais un ciseau ou une pince à épiler pour défaire le nœud et te redonner l'élastique. Ces petits moments me manquent. J'y repense, je cherche ton ADN partout, et si.. et si... dans un millénaire, quand la Terre sera de nouveau habitable, quelqu'un retrouvait cet élastique. Qu'apprendrait-il sur 2020 ? Sur toi ? Sur ce qu'a été ta courte vie ? Sur la génétique ? Sur l'environnement ?
En un mois, j'ai regardé les 3 saisons de "The Dragon Prince ?" Pourquoi ne l'ai-je pas fait avant ? On aurait eu des échanges passionnants et passionnés sur les personnages, les relations entre les parents et les enfants. Je suis passée à côté de ça. Je feuillette tes écrits. Je regarde tes vidéos, mais tu n'es plus là pour m'éclairer, pour remettre de l'ordre. Je m'accrochais à ton dessin-animé préféré comme à une bouée. Maintenant que vais-je faire ? Rayla me conseille "Avatar the Air Blender" et "The Legend of Korra". Oui, bien sûr, j'ai encore du pain sur la planche pour mieux te connaître, mieux te comprendre.
Il me reste aussi des photos et des larmes en regardant la cérémonie, toujours et encore, avec la musique de Séba qui me donne de l'énergie, qui me dit d'avancer, et le thème de fin de la légende de Korra qui me dit que tout est fini.
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