Que fait la BAC ?

Depuis le confinement, les Ulis, c'est le grand silence, à peine troublé par les pigeons. A 20h, tout s'anime. Les fenêtres s'ouvrent. Chacun tape dans ses mains, dans ses casseroles, en criant "Bravo". Ce soir, j'ai entendu un grand "Merci, à demain.".


Cet élan fait chaud au cœur. Oui, on est là, on reste chez nous, pour que les soignants n'aient pas à s'occuper de nous. Ces applaudissements sont destinés aux soignants, mais aussi à tous ceux qui travaillent. Je pense par exemple à Noëlle, la gardienne. Sans hygiène, il n'y a pas de santé possible. Ce sont aussi les éboueurs, les caissières à carrefour, et aussi les policiers municipaux. 


Comme je l'ai précédemment signalé, oui, il y en a qui n'ont pas compris pourquoi ils devaient rester chez eux. Ils se sont retrouvé sur le terrain de foot par exemple. Mais ce n'est pas plus idiot ni plus dangereux que d'aller voter aux municipales. Dimanche dernier, j'ai aperçu une voiture de police qui se baladait dans le parc urbain. Ils ont sans doute dû rappeler à l'ordre un ou deux sportifs, mais je n'ai rien observé de choquant. 

Alors oui, je pourrais continuer à publier des photos du printemps qui arrive [1]... 

Mais non, je ne peux pas. Hier, j'ai vu une vidéo [2]. J'ai eu mal, très mal... La victime n'est pas un soignant, mais un livreur d'Amazon, quelqu'un qui est obligé de travailler, quelqu'un vers qui nos applaudissements se tournent aussi.

La vidéo commence avec un jeune homme allongé sur le sol. Il crie. Un policier de la BAC le frappe. Le jeune homme se relève, pour s'asseoir de l'autre côté des escaliers. Ils finissent par être quatre ou cinq sur lui et l'emmènent à l'abris des regards où les cris reprennent de plus belle. 


Cette violence est inouïe. Il y a eu pire lors des manifestations des gilets jaunes, mais c'était à Paris, c'était loin, et puis, sans me l'avouer, je me disais peut-être que les gilets jaunes avaient cassé un truc, insulté un policier. Ce n'était peut-être pas facile non plus pour les forces de l'ordre d'être mobilisé tous les week-end.

Mais là, ça se passe dans un quartier voisin, pas loin de la ludothèque. Ça aurait pu être moi, mon enfant, celui du voisin. Pourquoi un tel déchaînement sur un travailleur ? Que fait la BAC ?

Les faits se sont déroulés le 24 mars... Depuis mon balcon, j'ai pris cette photo. Il n'y a personne. On ne peut pas dire que le confinement ne soit pas respecté aux Ulis. La BAC n'a pas pu faire un exemple, ça n'a pas de sens.


Et puis même si vraiment les gens ne respectaient pas le confinement, à quoi ça sert de frapper, de blesser ? A surcharger encore plus les urgences ?
A l'hôpital d'Orsay, mardi, il n'y avait toujours pas de masque, pas de gel. Le service de réanimation a été fermé en 2018. Le ménage est fait par une société extérieure qui n'est pas formée à l'hygiène hospitalière.


Mercredi 25, c'est un autre jeune des Ulis qui a dû aller à l'hôpital suite à un traumatisme crânien. Son témoignage est édifiant.


Depuis mon balcon, j'ai pris cette photo.


Alors oui, je n'étais pas obligée de raconter ça ici. Alors oui, ce n'est qu'un cas, euh non 2, peut-être 3 ou 4. En les montrant, en racontant, en ne se taisant pas, on pourrait "mettre le feu aux banlieues". Mais non, je ne la fermerai pas. Je veux comprendre pourquoi. S'il s'agit d'une bavure, de 2 bavures, de 3 bavures, de 4 bavures, que la BAC s'excuse de la méprise, que les auteurs soient jugés. On n'a vraiment pas besoin de cette violence. La situation est assez catastrophique comme ça.

Je ne regarde pratiquement plus les informations. Je jette régulièrement un oeil aux jeux de données, comme celle de Bastien Guerry [3] qui publie le nombre de cas confirmés par région, ou celles de Santé Publique France [4].

En Ile de France, le nombre de cas double tous les 5 jours actuellement. Si on regarde le nombre de nouveaux cas par jour, ça donne ça :

On ne peut pas dire qu'il y ait une amélioration.

D'après la carte de T. Fabacher, il y a eu 163 hospitalisations dues au COVID19 en Essonne entre le 24 et le 26 mars [5]. C'est encore plus énorme lorsque l'on sait que beaucoup doivent se soigner chez eux, comme ma collège Laurence Devillers, qui est en colère, et je la comprends !

Oui, nous avons besoin des policiers pour faire respecter le confinement. Il en va de la santé de tous les Ulissiens. L'idée d'une banlieue sacrifiée, où finalement, ce ne serait pas grave si les gens mourraient du COVID19 m'horripile. Mais nous n'avons pas besoin de violence policière, surtout pas maintenant.


Continuons d'applaudir à 20h, même si ce n'est pas cela qui apportera du personnel à l'hôpital d'Orsay, mais n'acceptons pas la dictature. Je n'aurais jamais imaginé avoir besoin d'une attestation de déplacement dérogatoire pour sortir de chez moi.

Bon courage à tous ceux qui vont au boulot la peur au ventre, prompt rétablissement aux victimes des violences policières et que justice soit faite !

Ajout le 31 mars 2020 :

L'histoire de Sofiane (le livreur d'Amazon) existe sous forme de BD :
La plainte déposée a eu des échos dans la presse (Cnews, France Info, Le Parisien, Nouvel Obs, etc...)


Commentaires

Unknown a dit…
Bonjour,
Au nom de la famille de Sofiane (le livreur d'Amazon) nous tenons à vous remercier pour votre article dans votre Blog, récit d'un verbatim de qualité.Je suis la meilleure amie de la maman de Sofiane et je l'aide très activement dans cette épreuve.
Merci pour le récit de la ville des Ulis et de la façon dont vous avez écrit cet article.
Merci encore au nom de la famille de Sofiane.
J'ai partagé votre article avec l'AFP, l'avocat de Sofiane...
Une plainte a été déposée le 27 mars.
Cordialement et encore MERCI.

Djamila
Elisabeth a dit…
Merci beaucoup pour ce retour Djamila ! Je suis ravie que ce blog puisse être utile. S'il y a des erreurs, n'hésitez pas à le signaler (je ne suis pas journaliste). Bon courage à Sofiane et à tous ses proches !