A l'heure où l'on s'interroge sur l'intelligence artificielle, quelle extension de cerveau choisir ? L'ouvrage "MondialeTM" ressemble à première vue à un catalogue de futurs possibles sortis du rêve familier de Verlaine [1]. Ces clones ne sont à la fois ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait des autres.
MONDIALE TM @Beb-deum
De l'hapax au corphe
Les illustrations de Beb-Deum [2] sont troublantes, émouvantes, artificielles. L'humain est voilé, les textures sont trop lisses, trop parfaites pour que l'on confonde le clone et l'hapax, son modèle original.
MONDIALE TM @Beb-deum
On pourrait ne regarder que les graphiques. Ne pas lire les textes d'Alain Damasio, ce serait comme être un petit enfant, qui tourne les pages d'une bande dessinée sans se préoccuper des bulles.
Impression du rêve sur imprimante génétique @Beb-deum
Les alertes envoyées par les corphes, anti-corphes et clownes reflètent le côté anxiogène des débats sur l'intelligence artificielle. L'ouvrage ne pose pas directement de questions éthiques. Il nous montre un futur possible grasse à la mondialisation qui engendre métissage et globalisation. A chacun de s'arrêter, de réfléchir, de se construire un avis à partir des sentiments qui naissent de la contemplation.
Globalize @Beb-deum
Le corphe, c'est l'humain en pâte à modeler. Beb Deum a pris trois pots sur Terre, un en Europe, un en Asie, l'autre en Afrique. Il malaxe, il fait, défait, refait et cela donne de superbes mélanges, qui m'ont souvent mise mal à l'aise.
Mondiale TM @Beb-deum
Je me suis demandée d'où venait ce vertige. Des textes d'Alain Damasio ? Des corps transformés, mutilés, troués ? Des étiquettes ? Jusqu'à présent, il n'y a qu'une seule race, la race humaine, ce qui fait que l'on s'identifie aux personnages. La couleur de peau, les rides, les yeux bridés ne sont que de menus détails, des caractéristiques qui s'achètent, se vendent, se changent, se mélangent, se fusionnent.
Anticorphe et mission IA
Les anticorphes, les clownes posent aussi la question de la révolte dans ce monde où tout est standardisé. A quoi bon manifester si c'est pour être éliminé, jeté, ainsi que toute la série de corphes issus du même hapax ? Mondiale TM n'est qu'une projection dans le futur de la société actuelle.
Mondiale TM @Beb-deum
Il suffit de prendre un échantillon, par exemple la France cette semaine, pour s'en rendre compte. Les clownes fainéants ont manifesté contre les ordonnances de la loi travail, mais à quoi bon, vu que tout est écrit ? Dans l'émission Envoyé Spécial [4], on voit les députés se comporter comme des clones du président. Ils ne peuvent pas émettre leur propre opinion dans l'hémicycle et courent voter les amendements sans assister au débat. Comme l'a dit Cédric Villani, "L'intelligence artificielle est l'affaire de tout le monde" [3]. Pourtant le corphe député LREM, chargé d'une mission IA par le gouvernement, utilise encore un agenda papier.
Dans l'émission Envoyé Spécial du 14 septembre dernier [4], on le voit essayer d'aller seul d'Orsay aux Ulis. Il commence par prendre le RER jusqu'à Bures. Les passages que D. Trump Ross refuse d'ouvrir sont-ils la cause de ce détour [5] ? Il se dirige vers la voie verte, puis prétexte un retard pour appeler un chauffeur, auquel il est incapable de donner sa position. Dans ses mains, son mobile connaît certainement ses coordonnées GPS !
Même si l'interview se termine par quelques questions relatives à Elon Musk, il n'y a pas vraiment d'interrogations éthiques. Les échanges entre trois spécialistes dans Science et Avenir sont bien plus riches [6].
Qui suis-je, ou vais-je ?
Paradoxalement, le splendide ouvrage de Beb-deum et d'Alain Damasio nous ramène à notre condition humaine. Qui suis-je ? Qu'est-ce qui me différencie d'un clone ? Ai-je vraiment besoin d'une extension de cerveau ou d'intelligence artificielle si j'utilise un agenda papier et que mon smartphone me sert qu'à appeler les secours ? Qu'est-ce que cela apporte à l'humanité ?
L'art et la science-fiction interrogent le lecteur sur un probable futur découlant de prises de décisions actuelles. Mieux qu'un essai ou qu'un long discours, cet ouvrage est une sorte de miroir. Un texte, une image sera rêve pour les uns, cauchemar pour les autres. Pour ma part, j'ai apprécié les influences multi-culturelles. Ecrire en hindi, en chinois, en japonnais, nous changerait un peu selon l'hypothèse de Sapir Whorf [7]. Échanger dans l'ascenseur avec une voisine plus âgée ou avec un voisin né sur un autre continent me transforme également. Je suis la somme de ces influences, mais comment être moi-même ? Ce livre m'a redonné de l'énergie... Manifester contre les ordonnances de la loi travail, c'est aussi dire que l'on n'est pas d'accord avec le futur que l'on nous propose, même si celui-ci semble inéluctable.
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