Après le 7 janvier, après le 11 janvier, j'ai eu un rêve... Plus jamais en France un dessinateur de presse ne serait menacé de mort. La semaine dernière, Emmanuel Chaunu a reçu des menaces pour ce dessin...
Aylan, 3 ans, dont la photo a fait le tour du monde, s'est glissé entre les marronniers sur la rentrée scolaire. Il y aurait beaucoup à dire sur la manière des dirigeants d'exploiter l'image des réfugiés. 20'millions de Syriens, 12 millions de réfugiés. est-ce qu'en accueillir quelques milliers en Europe tout en versant des larmes sur la photo d'Aylan va légitimer le bombardement des 8 millions restés en Syrie ? Le 21 juillet 1969, Hara Kiri titrait "La Lune on s'en fout !". Provocation ou réalisme de Cavana pour qui l'objectif de cette conquête n'était pas d'explorer l'espace, mais de tester de nouvelles fusées dans une course à l'armement. Avec le recul, l'Histoire donne raison à Hara Kiri, mais il fallait oser être à contre-courant de l'enthousiasme populaire cette année là.
Onfray traite de beaucoup de sujets différents. Dans le chapitre 2, il s'interroge sur culture, culte et agriculture et compare le pédagogue au jardinier : "Le paysan donne la matrice à tout philosophe de ce nom" (p65). En lisant ce livre, j'ai senti que mon terrain n'était pas prêt pour beaucoup de sujets, comme un cerisier qui ne donnera pas de fruits en hiver. Je n'ai donc pas compris, et pas forcément cherché à comprendre certains passages, n'ayant pas lu Nietzsche ou Bachelard et ayant presque tout oublié du livre de Lucrèce "De la nature des choses", étudié en Math-Sup.
En revanche, d'autres passages, d'autres chapitres, ont attiré mon attention, voire allumé une étincelle. Onfray m'a appris à regarder les peintures Arcimboldo. J'en connaissais certaines, mais je les avais toujours associées à un certain amusement. Peindre un visage avec des fruits, des animaux, c'est drôle, et il faut du génie pour le faire...
La révélation est apparue page 461 :
"Arcimboldo (1526-1593) montre, comme Giordano Bruno (1548-1600), son exact contemporain, que les références au christianisme sont caduques et que le monde ne s'oppose pas à un créateur qui lui serait séparé, mais qu'il est créature et créateur lui-même."Giordano Bruno, tous les amateurs de recherche de vie dans l'univers savent qu'il a été brûlé pour avoir annoncé la pluralité des mondes habités. Par exemple, la SETI League a longtemps décerné un "Giordano Bruno Award". En 2001, il a été remis à un européen : Peter Wright.
Le terrain était donc labouré, prêt, les cerises prêtes à mûrir : ce qu'il y a d'extraordaire dans les peintures d'Arcimboldo, c'est non seulement l'absence de Dieu, mais les recherches et croquis scientifiques pour peindre végétaux et animaux de la manière la plus exacte possible.
Pourquoi, dès lors ne pas envoyer une peinture d'Arcimboldo à d'éventuels civilisations extraterrestres ? N'est-ce pas une manière de décrire la vie sur Terre, mieux que l'ont fait les plaques sur les sondes Pioneer en 1974 ? Une telle caricature ne serait-elle pas un bon compromis tant que personne n'est assez intelligent pour déceler l'absence de religion ni assez bête pour reconnaître une représentation de tel prophète ?
Certes, il se trouvera toujours des esprits grincheux pour trouver tel fruit trop mur ou tel animal trop mort. Quarante ans plus tard, le débat sur les sondes Pioneer n'est pas clos.
Redescendons sur Terre, où les imams Mehdi Kabir (à gauche) et Nader Abou Anas (à droite) compareraient certainement Arcimboldo à un porc.
Il se sont fait avoir ce week-end par les femen. J'avoue ne pas toujours être fan de leurs actions avant tout parce que je n'ai pas leur courage et préfère utiliser ce blog plutôt que mes seins pour véhiculer un message. En voyant circuler cette photo, je me suis dit "Bingo ! C'est gagné !"
Comme l'a dit Onfrey sur France Culture :
"Cette inculture généralisée fait que l'on ne sait plus lire ni les dessins, ni les photos, ni les peintures"Sur cette photo, ce ne sont pas les seins qu'il faut regarder, n'en déplaise à tous ceux petits et grands qui se disent choqués par cette nudité. Il faut voir les regards des deux imams et deviner les sentiments derrière. Nader Abou Anas sourit, a du plaisir, loin de ses propos du genre : "ma soeur, toi qui ne porte pas encore le hijab, qui met trop de maquillage..." Mehdi Kabir regarde l'autre femen, avec un sourire plus discret et plus de retenue, de dignité, peut-être a-t-il compris qu'il venait de perdre un match dans cette interminable bataille médiatique dans laquelle les réfugiés syriens sont pris en otage.
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