Mais oui !

.Le 7 janvier 2015 restera gravé dans l'histoire de France. Il y a eu les attentats, les victimes... Les historiens, les sociologues écriront des ouvrages. Des articles seront publiés dans les revues scientifiques.

Le 11 janvier, les "je suis Charlie" appartiendront peut-être à l'histoire, ou peut-être pas. Pour moi, l'un comme l'autres sont des réactions spontanées, un besoin immédiat, individuel, egoïste, que chacun a trouvé pour extérioriser l'horreur, l'inimaginable, l'impensable. Nous avons été nombreux à ressentir des blessures, un vague à l'âme, une réalité difficile à accepter, même quand aucun proche n'a été touché physiquement. Essayer de rationaliser ce sentiment est une erreur que je ne commettrais pas. J'ai déjà eu beaucoup de mal à admettre que les caricatures de Luz pouvaient heurter à ce point la pudeur certaines de mes connaissances.

Que s'est-il passé ensuite ? Charlie continue, courageusement, avec des rédacteurs, des illustrateurs et une direction touchés en plein cœur. Leur blessure n'est pas comparable avec celles dont les milliers de "Je suis Charlie" commencent à se remettre.


Plusieurs livres ont été publiés. Je viens de terminer "Éloge du blasphème" de Caroline Fourest. 

Faut-il le mettre dans les CDI des collèges ? 
Mieux vaudrait sélectionner des passages, et amener les enfants à s'exprimer. Mieux vaudrait créer des affiches à partir de certaines phrases de livre :

Depuis [1881], en République, le blasphème n'est plus un délit mais un droit (p16).
Les croyances des uns sont presque toujours les blasphèmes des autres (p135).

Si on recule, c'est Munich (p93). P. Vall
Quand nous reculons, le terrorisme gagne (p131).

Hélas, il ne faut jamais sous estimer le nombre de cons au mètre carré (p96).

C'était le langage de Charlie, le mien. On se disait des horreurs. Mais on était copains. On pouvait boire un coup juste après (p101). Guy Bedos

Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde (p104). Camus

Charlie rit des terroristes, Dieudonné rit avec les terroristes (p164).


Les méchants qui ne sont pas Charlie

Caroline Fourest n'est pas au-dessus de la mêlée. On sent qu'elle règle des comptes, mais on comprend qu'elle en a besoin, justement pour extérioriser ce que les proches des victimes de l'attentat ont ressenti en entendant certains propos.

Peut-on en vouloir à quelqu'un parle qu'il n'a rien ressenti le 7 ou le 11 janvier ? Un sentiment ne se commande pas, à la limite, il peut se simuler, comme l'ont fait nombre de chefs d'états, qui depuis se sont illustrés par exemple en interdisant aux palestiniens de prendre les mêmes bus que les israéliens.

Cependant, il y a une grande différence entre des propos du style "Je ne suis pas Charlie" et l'apologie du terrorisme. Comme dirait le prof de langue des signes française, le plus important est le CONTEXTE. Son passé de militante fait que Caroline Fourest connaît le contexte du FN, des indigènes de la république ou des frères musulmans. Elle a peut-être une vision erronée, faussée par son statut de journaliste, mais son analyse me semble pertinente. Plus habituée à internet qu'aux débats télévisés, je ne connaissais pas Rokhaya Diallo. Je n'ai pas lu son livre "racisme mode d'emploi" et je ne peux pas vérifier si les propos rapportés p44 son exacts. 



Cependant ils m'ont fait bondir ! Les mariages forcés et l'excision sont des menaces réelles pour des jeunes filles, y compris en France (cf "Mariage à Paris Plage"). Celles qui le dénoncent ne le font pas pour écrire un livre à succès mais pour briser un tabou, pour alerter les voisines !

Selon les estimations de certaines associations spécialisées 70 000 jeunes filles âgées de 10 à 18 ans seraient menacées de mariages forcés en Île-de-France et dans six départements (le Nord, l’Oise, la Seine-Maritime, l’Eure, le Rhône et les Bouches-du-Rhône). Nier ce phénomène ou le réduire à un roman comme le fait Mme Diallo est criminel.
On ne peut en tout cas pas critiquer le manque de sérieux et de références de l'ouvrage ! 

Une leçon de vocabulaire

Comme on le voit dans l'exemple ci-dessous, Caroline Fourest aborde des sujets difficiles autour du racisme et de la religion. Une phobie est une peur. L'islamophobie est donc la peur de l'islam, stupide, idiote, mais c'est un sentiment aussi incontrôlable que l'arachnophobie (la peur des araignées). On ne peut pas condamner quelqu'un parle qu'il a peur des zombies ou du noir !

En revanche, le racisme anti-musulman est condamnable. Il n'y a qu'une seule race, la race humaine. Interdire à un Palestinien de monter dans un bus ou insulter une femme parle qu'elle porte un voile est intolérable. 

Caroline Fourest propose de remplacer le "Oui je suis Charlie... Mais" par "Mais...oui", c'est-à-dire, "Mais non, je ne partage pas les critiques d'Internet de Riss dans son édito du 22 avril". "Oui, je suis ravie de recevoir Charlie chaque semaine".

Mais oui !

Il y a sans doute des erreurs dans cet essai, comme dans ce billet. Par exemple, il existe une application Charlie Hebdo sur l'Ipad, contrairement à ce Caroline Fourest écrit. En revanche, elle insiste sur la nécessité de lire correctement un dessin et de conserver le contexte de celui-ci à l'heure où un enfant de 5 ans peut modifier une image avec Gimp (ou Photoshop).

Les grandes chaînes de télévision anglo-saxones ont refusé de montrer des caricatures ? Il n'y a sans doute pas de quoi s'inquiéter pour la liberté d'expression, tant que n'importe qui pourra les trouver sur internet. En présentant une couverture de Charlie en mars dernier lors du congrès de l'Académie Astronautique internationale, elle a été accueillie par des rires? Pourquoi ? Les chercheurs présents, qu'ils viennent de Russie, d'Australie, du Japon ou des Etats Unis ont la culture et l'ouverture d'esprit nécessaires pour comprendre à la fois le contexte (la peur de l'extrême droite ou l'affaire de Roswell) et savoir lire le dessin.


Si les réseaux peuvent représenter un paramètre supplémentaire dans le débat sur la liberté d'expression, ce n'est pas un frein, au contraire ! 

Commentaires

Elisabeth a dit…
Merci !
Anonyme a dit…
Merci de m'avoir invitée à venir le lire. Je ne regrette pas le détour. Danièle.