LXXIX
Les tombeaux.Tout l'oubli du monde epars.Des ifs.Des cyprès.La pierre est emphatique ou modesteSur le sol méprisé qui ne contient nul geste-- Ces lieux m'ont faut le cœur sombre et vindicatifQui donc peuple ces durs logis, serrés et blêmes ?
Cimetière de Bures sur Yvette, 22 juillet 2019 |
Elle parvient à trouver les mots pour décrire ce que je pourrais traduire par "Je m'en fous de tout, plus rien n'a d'importance'.
LXII
Puisque jamais plus je n'écoute
L'univers cet inconscient ;Puisque nul pas sur nulle routeN'intrigue mon cœur patientPuisque sous un masque tranquilleQui me vient d'avoir trop souffert.J'attends que sort de la villePour entrer dans le sol ouvertCe corps qui vraiment eu des aliesEt fut plus brillant que l'été.
Je bénis l'inutilité de la tombe, -- seule éternelle !
Cimetière de Bures sur Yvette, 5 août 2020 |
LXIII
Et toute mère, sans remords,
Triomphante et pourtant funèbre,
Voue une âme aux longues ténèbres,
Et met au monde un homme mort...
XXVII
Des cœurs furent heureux le jour où tu es né.Et pourtant le présent, plaintif ou fortuné, est un flot bref,rompu par le temps qui s'écoule.Une foule animée est une morte foulepour le regard précis vers le futur tourné.
Cimetière 16 octobre 2020 |
J'avais déjà évoqué les garçons perdus et le fait que le cimetière de Bures-sur-Yvette me faisait penser au pays imaginaire de Peter Pan [5]. A l'approche de l'hiver, cette sensation est encore bien présente... avec des parents qui demandent au père noël de leur apporter leur enfant.
LXXXIV
L'enfance est une route ardue.
Nul être n'est assez savant
Pour capter l'esprit de l'enfant.
Malgré la profonde étendue
Qui devant son rêve s'étend.
Il n'a pas de sûre espérance
Tant son coeur timide est prudent :- J'ai retrouvé, en te perdant,
Le dénuement de mon enfance.
Cimetière, 1er décembre 2020 |
LIV
Silence, mouvement, arpège.
Tout douceur est dans tes os !Sous mon regard qui te protègeDe son poétique réseau.Tu te poses comme la neigeEt t'élèves comme l'oiseau.
XC
Je n'avais rien à dire
Qu'à toi.
Aux autres je parlais
Comme l'on se meut ou respire.
Mais jamais mon cœur ne mêlait
Son trésor à leur existence.
Nous seuls n'avions pas de distance.
Sûr d'un familier infini,
Nous étions pressés, réunis
Dans l'étroitesse ou dans l'espace.
En toi seul j'étais à ma place.Que veux-tu que la gloire soit.
Si ce n'est l'image de soi dans l'âme que l'on a choisie ?
L'offrande de la poésie.
Je la faisais à ton regard.
Ce n'était que dans ta prunelle
Que j'étais juste et naturelle.
Désormais sans voeux, sans égards,
Je suis cette errante hirondelle
Dont on voit sur l'azur hagard
Se déchirer les noirs coups d'ailes...
26 septembre 2020 |
XXIII
Quand vous êtes partis, muets,Vous sur qui, l'esprit triomphant,
Je reposais comme une enfant,
Indolente de ce qui est.J'ai quitté les vivants.
Mes pas
Vous accompagnaient sous le sol.
Désireuse de n'être pas,
J'ai sur vous replié mon vol.
Ce qui est très agréable dans les vers de la comtesse de Noailles, c'est l'absence de religion même si l'âme est présente, de mystique, le côté très cartésien, l'observation de la nature. Le deuil n'a pas de fin si ce n'est la mort. Il n'est pas question de faire son deuil, de laisser partir la personne mais de la rejoindre plus tard. Il n'y a pas de résilience possible. La souffrance est là, même si elle s'atténue.
L
Un univers inique abolit nos justices.L'on ne peut plus savoir, lorsque l'on songe aux morts,D'où souffla l'ouragan, d'où vint ce désaccord
Qui soudain arracha l'âme fidèle au corps.Peut-être pouvions-nous, au moment qu'ils agissentDétourner les destins par un suprême effort !Tout infini malheur est hanté d'un remords.
- @Cepseudomarche
- E. Piotelat, Calendrier de l'avent, 12/2020
- Anna de Noailles, L'honneur de souffrir, 1927
- Anna de Noailles, Wikipédia.
- E. Piotelat, L'automne à Neverland , 09/2020
- E. Piotelat, La Grâce et les ténèbres, 11/2020
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