La dictée des CM2

Quand j'étais petite, je faisais des dictées. Je faisais aussi des fautes essentiellement parce que j'étais étourdie (je le suis toujours) et que je ne comprenais que l'on puisse avoir des règles aussi compliquées que celle de l'accord du participe passé (je crois que j'ai accepté vers l'âge de 18 ans, et encore, je me souviens avoir signé une pétition à ce sujet).

J'avais ensuite la note que je méritais et qui était logique : 10/10 s'il n'y avait pas de fautes, 5/10 s'il y en avait 5. 

Maintenant, les dictées, c'est d'abord des listes de mots invariables à apprendre, qui peut amener à d'intéressantes discussions à l'heure des devoirs :
- maintenant, écris-moi "par"
- part
- c'est possible de l'écrire comme ça, par exemple dans "une part de gâteau", mais ce n'est pas un mot invariable dans ce cas.
- oui, mais si un mot peut s'écrire de plusieurs façons, pourquoi il est dans la liste des mots invariables ?
- bon alors, maintenant "si"
- ci ?
- là, c'est comme "ce gâteau-ci"
- donc j'ai bon
- oui, c'est idiot d'écrire des mots hors de leur contexte.

Ce qui change par rapport à "quand j'étais petite", c'est que certaines écoles publient le résultat des élèves sur leur blog. Si j'étais la maman d'Auxence ou d'Hélène du Lycée International français à Jakarta, je crierais au scandale. Et même si j'étais Marie-Jeanne, je n'aimerais sans doute pas que le monde entier sache que j'ai eu 16/20 à la dictée n°3 quand j'étais au CM2.


Cette semaine, il y a les évaluations nationales de CM2. Elles ont été diffusées sur Internet, le ministre n'était pas content... Elles ont été enlevées, mais on les retrouve dans le cache de Google. On peut même s'amuser à chercher par exemple "Extrait de l’ouvrage Le miracle des choux et autres histoires russes de Ludmila OULITSKAIA" et tomber sur des sites académiques qui publient aussi le cahier enseignant.


Si j'étais enseignante, j'aurais très peur. Non seulement je considérerais que ce cahier me prend pour une imbécile en me disant comment je dois lire une dictée à mes élèves, mais en plus, je m'arracherais les cheveux pour mettre une note à la dictée. 


On ne compte plus le nombre de fautes. On met un "Code 1" à l'item 28 (bref, une croix, un point, etc...) si 5 des 7 mots invariables sont correctement orthographiés.


Bon, admettons maintenant que 60% d'une classe ait un code 1 à l'item 28. Qu'est-ce que l'on en déduit ? Ca intéresse qui ? Si mon enfant n'a pas un code 1 à l'item 28, est-ce parce que je ne lui pas assez bien expliqué pourquoi par et pas part, ou qu'il faut écrire si et pas ci si on met (et pas mais) Paris dans une bouteille ?  Est-ce la faute à l'enseignant(e), à la classe, à l'école, à l'académie, au ministre ? Ca n'a aucun sens. A la limite, ça pourrait intéresser les journalistes et rendre quelques parents très fiers si l'on savait que sur 730 000 enfants, 500 ont eu 0 fautes à la dictée. 

Maintenant que l'élève, ses parents, son enseignant, le directeur de l'école a un beau papier avec des 100 items et des codes 1, 4, 9 à côté, on en fait quoi ? De jolies courbes qui permettent de comparer des régions, les départements, certes... On peut éventuellement situer l'élève par rapport au reste de la France, et encore, s'il nous dit...
J'ai fait exprès de mettre des fausses réponses pour que la maîtresse ait une mauvaise évaluation.
...cela démontre une certaine intelligence. On peut essayer de le contredire, mais alors viendra l'argument final : 
Ben oui, il y a des questions sur des choses que l'on n'a pas encore apprises, donc ce n'est pas nous que l'on évalue, c'est la maîtresse. 

Les professeurs de math et de français au collège recevront sans doute les résultats de l'élève, même si le ministère avait dit que seuls parents et enseignants auraient des données nominatives.
On n'est pas à une contradiction près... Et quels seront les préjugés du prof de français sur le malheureux élève qui n'aura pas eu un code 1 à l'item 28 ?



En tous cas, on peut souhaiter que ces évaluations aient au moins servi à quelque chose : faire comprendre à Luc Châtel, que lorsqu'une information est mise sur internet (et qui plus est sur un site académique), on ne contrôle pas sa diffusion, surtout lorsque des choux permettent de retrouver les cahiers par miracle... 


Commentaires

Anonyme a dit…
Rahhh des notes sur le web.. mais jusqu'où iront-ils trop loin ??
Unknown a dit…
C'est là tout l'absurde de ce qui est IMPOSE aux enseignants! Le Ministère de l'Education Nationale prétend que les enseignants sont concertés avant de telles mises en place, mais que nenni!Dire que les remarques et critiques des équipes enseignantes soient prises en compte en quelques jours, après remontée par voie hiérarchique (plus lente que le service colieco de la Poste!!!), pour que soient édités de ces fameux cahiers d'évaluations nationales (de CM2 ou de CE1, ...)... cela revient à dire qu'on croit au père Noël! C'est une politique de chiffres, de résultats, une politique économique qui s'est substituée à celle de 1989 (où les mesures prises s'appuyait encore sur le statut des enfants "au coeur des apprentissages"). Le pire dans tout cela, c'est que les enseignants qui soulèvent ce problème, cette absurdité,n'ont plus de crédits aux yeux de l'opinion publique (merci les médias contrôlés par le pouvoir public!). A la moindre revendications de leur part, ils sont largement discrédités par leur propre employeur qui tuent leur "mouvement" encore à coup de chiffres... Et où est l'humanisme dans tout cela! Voilà, je me suis lâchée...
Elisabeth a dit…
Merci Caro !

J'ai découvert à quoi ça servait... Les Ulis ne seraient plus en ZEP parce que les résultats aux évaluations sont bons (meilleurs qu'à Orsay ai-je entendu dans les couloirs avant le conseil d'école).

On peut ainsi mettre 30 élèves par classe (et non plus 25) et offrir 15000 à 22000 euros aux bons recteurs qui ferment des établissements et suppriment des postes.
Unknown a dit…
Je reviens de l'école de ma fille où les professeurs nous on rendu compte des résultat de l'évaluation nationale des CM2 et je suis vraiment dégouté de cette mascarade : Évaluation faite en début d'année sur le programme de l'année complète (allez comprendre la pertinence de ce choix ?!?!) aux items différents d'une année sur l'autre. Le résultat c'est qu'il est impossible d'évaluer son enfant et encore moins l'école dans le temps. Puis les évaluations sont misent sur internet quelques semaines avant le passage des épreuves, aussi certaines écoles bachotes, empêchant donc toute comparaison au niveau national. A la question que je posais de savoir pourquoi on fait ces évaluations en début d'année, j'ai eu le droit à cette réponse dépitée des professeurs : "le ministère ne souhaite pas que nous (les professeurs) utilisions ces évaluation pour les passages en classe supérieure". Quelle mépris pour le corps enseignant qui serait incapable de respecter une consigne si celle-ci précisait qu'il ne fallait pas utiliser ces évaluations à cette fin. Et puis quand bien même, tous les élèves de France ne seraient-ils pas sur un même pied d'égalité ?!?! puis c'est vraiment une fois de plus se méfier des instituteurs qui seraient incapable de faire la part des choses entre le travail fait toute l'année et une évaluation ponctuelle. Ce grand machin ministériel, fait par des gens très extérieurs au terrain de l'école n'est, au final, qu'un grand gâchis de temps et d'argent public, inutile et inutilisable.
Anonyme a dit…
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