Sensibilité en cours d'histoire

D'après procès verbal [1], Samuel Paty a dit : 

 J'ai proposé aux élèves de voir ou de ne pas voir une des caricatures émanant de Charlie Hebdo selon leur sensibilité.

On ne m'a jamais montré de caricature émanant de Charlie Hebdo en cours d'histoire, pourtant à deux reprises j'ai été choquée par des professeurs d'histoire. 

Sonia à Japan Expo. 4 juillet 2013

En classe de seconde, le professeur nous avait un peu averti que la Saint Barthelemy, c'était assez sanglant. Il nous a proposé de lire un texte à voix haute. Quand mon tour est venu, je n'ai pas pu terminer. La description de décapitation était trop horrible... Bien plus que n'importe quel texte ou quel dessin de Charlie Hebdo. 

En classe de troisième, je me souviens de la visite du musée de la Résistance et de la Déportation à Besançon [2]. A cette époque, l'histoire-géographie ne m'intéressait pas, d'ailleurs je trouvais que tout ce que la prof racontait manquait de preuve. Les cours de maths et de science me semblaient bien plus crédibles. Il est donc fort possible que je n'aie pas vraiment écouté certains propos sur la Shoah, à moins que le cours n'ait porté que sur la Résistance.

Le voyage de fin d'année a eu lieu à la citadelle de Besançon, où je suis retournée plusieurs fois depuis, entre autres avec Sonia en juillet 2013 [3]. Elle avait 11 ans, venait de terminer la sixième. En CM2 à l'école des Avelines [4], les leçons d'histoire s'étaient arrêtées à Louis XIV. Je lui avais cependant parlé de l'existence des camps de concentration en regardant la grande vadrouille, deux ans plus tôt. 

Sonia à la Citadelle de Besançon. 5 juillet 2013

En 2013, je lui ai donc proposé de visiter le musée de la résistance et de la déportation. Je lui ai raconté que certaines photographies avaient "heurté ma sensibilité" lors d'une visite pédagogique quand j'étais en troisième. 

Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter.
George Santayana 

Nous avons convenu d'un commun accord que nous ferions le circuit sans rester ensemble. Elle avait le droit de passer très vite dans certaines pièces, sans attendre que j'aie fini de lire un document, ou de s'attarder dans d'autres. On se retrouverait à la sortie. 


Je ne me souvenais pas des cheveux des victimes d'Auschwitz et des toiles tisées avec... Je pense qu'en troisième la visite pédagogique n'avait pas atteint l'étage interdit au moins de 10 ans. Là, ce n'est plus une photo, ce n'est plus un coup de crayon de papier... C'est l'Histoire qui est en face de nous, aussi réelle que les échauguettes de Vauban. 



Faut-il proposer à des collégiens de détourner le regard sur la Saint Barthélémy, la Shoah ou les caricatures à l'origine du massacre du 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo ? Faut-il les préserver en ne racontant que les faits historiques les plus doux, les plus glorieux et surtout sans les mettre devant des preuves ?  

Sonia avait gardé un bon souvenir de cette journée à la Citadelle, mais surtout parce que ses cousins nous ont rejoint pour le repas de midi et que nous avons passé l'après-midi dehors... Je ne me souviens pas qu'elle m'ait reparlé du musée, mais je crois que je commence à comprendre pourquoi le programme d'histoire-géographie de cinquième l'intéressait moins que celui de troisième. 

Commentaires

Emmanuelle a dit…
Il y a des chocs, parfois et des prises de conscience... pour moi, ç'avait été Oradour sur Glane vers 8 ans, puis "nuit et brouillard", au collège... je n'avais pas besoin des images (j'avais déjà lu pas mal de livres parmi lesquels ceux de Vercors)... j'en ai voulu à ma prof d'histoire-géo de ne pas nous avoir donné le choix de voir ou non ces images (elle pleurait au fond de la salle)... après ça, une amie de ma mère, qui avait été déportée, m'avait offert son exemplaire de Si c'est un Homme...
Engagée très jeune et longtemps dans les combats en faveur des Droits Humains, j'ai très longtemps cru qu'en France, on saurait toujours protéger la Liberté d'Expression et le Savoir... quelle déconvenue depuis quelques années !
Isabelle a dit…
je me souviens avec effroi d'un film , projeté au collège, je devais etre en 4 éme ou 3 ème, sur "la sortie des camps de concentration" ... Nous avons regardé et hop fin du cours ... je suis rentrée à la maison dévastée. Pas possible d'en parler avec mes parents, ce qui se passait en cours se passait .. en cours ... La prof n'a jamais repris, ne nous a jamais permis d'en reparler .. J'ai 58 ans les images de ce documentaire me hante encore,toujours avec effroi ....