e-santé et m-santé

Le terme e-santé définit la santé électronique, tandis que m-santé définit la santé via un mobile. J'ai déjà évoqué brièvement la captivante conférence "Si la montre remplaçait votre psy" à la médiathèque des Ulis dans mes deux précédents billets [1] [2]. Ici, je vais revenir plus en détail sur ce que j'ai appris (bref, je ne vais pas râler, ou du moins essayer).


Xavier Briffault a débuté sa présentation en donnant quelques chiffres. Il y a une inflation du nombre d'objets connectés. Un quart des français sont concernés dans leur vie par des problèmes de santé mentale, et cela peut être potentiellement mortel, puisqu'il y a 200 000 tentatives de suicide par an. Comment peut-on utiliser une montre ou un smartphone pour améliorer notre santé mentale ?

Un titre provocateur

Si le chercheur dresse le constat du peu d'efficacité des dispositifs actuels de santé mentale, son exposé ne vise pas à supprimer le personnel médical, mais au contraire, à fournir aux spécialistes les données objectives qui permettent une prise en charge plus complète. Les patients peuvent aussi bénéficier d'une aide au moment précis où ils en ont besoin, sans attendre le rendez-vous dans plusieurs semaines, à un moment où tout ira bien.

Météo des sentiments

J'ai testé l'application Emoteo [3] qui permet au patient de juger de son "état de tension interne", et je l'ai désinstallée assez rapidement. Pourquoi ? Elle propose des images de ciel... or celle que je préfère, c'est celle de l'orage. J'adore photographier des éclairs [4] alors que le ciel bleu sans nuage évoque plutôt pour moi la canicule où les alertes à la pollution en région parisienne. Il me faut donc lutter pour me dire que je vais bien et que l'image qui correspond à mon état est celle du soleil. [5]


Comme punition, j'ai eu droit à une vidéo de relaxation (qui m'a fait rire),  alors qu'en choisissant l'orage, j'ai eu pratiquement une incitation à appeler les secours.

Des données objectives

Les formulaires, les tests, le choix d'une image du ciel sont des données subjectives. Un même symptôme comme une douleur au poignet sera jugée moins grave pour un joueur de foot que pour un joueur de tennis. En revanche, certaines données objectives comme le taux de cortisol pour mesurer le stress, le rythme cardiaque, le nombre de pas dans une journée ou le nombre d'heures de sommeil peuvent fournir de précieux indicateurs au personnel médical. 
Le problème est bien sûr de vérifier avec qui partager ces données.

Une caméra au domicile

Il ne sera jamais possible pour un patient d'accueillir chez lui toute une équipe médicale, comme un psychiatre, un généraliste, un ergothérapeute, etc... Or lorsqu'une personne passe l'aspirateur 4 heures par jour, lorsqu'elle passe 40 minutes matin et soir à examiner chaque recoin de sa boîte aux lettres, quand elle lave tout son linge contaminé par le manteau qu'elle vient d'enlever, c'est sans doute qu'elle est sujette à des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Elle ne s'en rend pas forcément compte, mais une caméra peut indiquer par exemple, qu'il y a 18 lieux où ces TOC se produisent. A défaut de rechercher l'origine, l'équipe médicale pourra proposer des solutions techniques, comme un robot aspirateur, ou une seconde armoire pour le manteau qui diminueront l'impact de ces troubles dans le quotidien de la personne malade. 

De la même manière, une caméra pourrait permettre à une personne bipolaire de savoir qu'elle entre dans une phase dépressives, parce que ces mouvements sont plus frénétiques, plus saccadés, etc... 


Par exemple, mardi soir, le lieu de mon appartement source d'énervement, c'était le tableau électrique, avec le dur choix entre brancher le wifi et le frigo. Le fait de prendre une photo a permis de trouver la source du problème grâce aux avis de deux experts [11].

Les réseaux de symptômes de la dépression

Un des aspects très intéressants de cette conférence est l'utilisation d'une technique similaire à celle des réseaux de neurones pour caractériser la dépression. Xavier Briffault l'explique en détail dans cette vidéo : 


La présentation est similaire à celle que l'on trouve sur ReasearGate [6] (page 30). Je ne vais pas reprendre l'exemple de Bob et Alice (Remarque que je viens d'entendre d'une féministe "comme par hasard, le mec perd son boulot, la meuf perd son mec"), mais en ajouter un troisième lié à ce qui se passe sur le plateau de Saclay [2] :

On n'a clairement pas besoin de pseudo-science avec de la psychodynamique du travail, juste d'éviter de fusionner des laboratoire, ou alors d'avoir une explication claire sur l'intérêt des rapprochements entre scientifiques dont les thématiques sont trop éloignées.

Le réseau Vigilans

Il semblerait que de petits gestes puissent sauver des vies. Le réseau VigilanS [7] prend régulièrement des nouvelles des personnes ayant déjà fait une tentative de suicide. Les résultats au CHU de Lille sont spectaculaires.

Des personnes qui vont mal, il y en a beaucoup sur les réseaux sociaux. Par exemple hier soir, dans les tendances de twitter, il y avait #PourquoiCaexiste [8]. Au milieu des futilités à propos des ouvertures faciles, nous sommes plusieurs à nous être arrêtés sur le message d'une jeune fille en détresse. Mais comment l'aider ? Twitter permet de signaler une personne qui envisage le suicide et l'automutilation [9], mais par exemple, en France, il n'existe pas de compte twitter référencé dans le domaine de la santé mentale [10].

De la protection des données

Comme une lampe torche de mon portable n'a pas besoin d'avoir accès à ma position, il faut faire attention aux autorisations que l'on donne aux applications. Par exemple l'application Strava mettant en relation les amateurs de footing a permis de localiser les bases militaires au Mali ou en Afghanistan [12].   
En 2015, j'avais abandonné l'utilisation de Nutrinet Santé [13] suite à un bug qui a révélé que la sécurité informatique était le cadet de leur soucis. 

Le principal (et seul) reproche que l'on puisse faire à cette présentation est de ne pas avoir assez insisté sur cet aspect sécuritaire. 

Quoiqu'il en soit, les progrès en e-santé et m-santé présentés sont intéressants, que l'on veuille juste diminuer son stress, ou que l'on souhaite diminuer des troubles plus grave, c'est bien de savoir que l'on a peut-être dans la poche de quoi nous aider. 

  1. E. Piotelat, Courage, 03/2019
  2. E. Piotelat, Remplaçons la psy par un smartphone, 03/2019
  3. Emoteo, HUG Hopitaux de Genève.
  4. E. Piotelat, Regarder l'orage, 8/2013
  5. E. Piotelat, D'Erlingen à Frangy en Bresse, 8/2018
  6. X Briffault, Les outils connectés : Quelles modifications de la pratique ? Une perspective anthropologique
  7. VigilanS
  8. #PourquoiCaexiste
  9. A propos de l'automutilation et du suicide
  10. Safety at Twitter.
  11. Discussion sur le panneau électrique.
  12. VIDEO. Strava: l'application de running qui dévoile les positions de militaires français
  13. E Piotelat, Quand les données, 5/2015

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