Pollution sur la face cachée de la Lune

La sonde Chang'e 4 s'est posée cette nuit sur la face cachée de la Lune... et c'est un problème. Enfin, le soucis, c'est plutôt Queqiao, qui reçoit des ondes radio de Chang'e 4 et les transmet à la Terre. Plus largement, des accords ont été conclus entre les états au prix de longues négociations à une époque où l'on n'envisageait pas qu'une entreprise puisse décider seule de coloniser un point d'espace. C'est par exemple le cas du "Outer Space Treaty" signé en 1967 [1]

Jean Heidmann et Claudio Maccone. 

Ce billet va reprendre largement les travaux de deux personnes que j'admire énormément : Jean Heidmann et Claudio Maccone, qui ont lutté pour protéger la face cachée de la Lune de toute pollution radio afin d'y installer un radiotélescope.


Dès 1994, Jean avait proposé le cratère Saha [2]. Il est sur la face cachée, donc, il ne reçoit pas d'ondes radio émises depuis la Terre. Il n'était pas trop loin de la face visible, ce qui fait que l'on pourrait imaginer de transmettre des informations par des câbles par exemple.

Jean Heidmann est décédé en juillet 2000 et Claudio Maccone a repris le flambeau en proposant un autre cratère Daedalus, situé au centre de la face cachée. [3]

Mais avant d'installer un radiotélescope, le combat des deux chercheurs a surtout visé à protéger la face cachée.

Science vs technique et économie

Pour l'instant, l'exploit des Chinois est essentiellement technique. Même s'il est question de faire pousser des patates, les objectifs scientifiques sont très flous. Comme le soulignait Joseph Silk il y a un an dans Nature [4], la face cachée de la Lune est le seul endroit du système solaire où l'on peut observer les empruntes laissées par le Big Bang.
"The far side of the Moon is the best place in the inner Solar System to monitor low-frequency radio waves — the only way of detecting certain faint ‘fingerprints’ that the Big Bang left on the cosmos." 
Dans cet article, l'auteur évoque tous les projets de village Lunaire, comme celui de l'ESA dont j'ai déjà parlé ici [5]

Même si ce sont des protagonistes de projets SETI qui ont défendu avec le plus d'acharnement la protection radio de la face cachée de la Lune, c'est une large communauté scientifique qui en bénéficierait.

A bord du satellite Queqiao, il y a toutefois un instrument néerlandais qui a pour but de faire de la cosmologie (NCLE) [7]

Une bataille de perdue, mais pas la guerre ? 

La première réglementation en matière de protection de la face cachée de la Lune date de 1974. La dernière version en date est disponible en français sur le site de l'ITU [6]. 

Elle est basée sur l'article 22 : 
L'Article 22 (numéros 22.22 à 22.25) du Règlement des radiocommunications (RR) reconnaît qu'il est nécessaire que la zone tranquille de la Lune demeure une zone privilégiée pour les
observations des services de radioastronomie et de recherche spatiale (passive) et que, par conséquent, elle soit dans toute la mesure possible exempte d'émissions;
Lors de la réunion du comité de recherche spatiale COSPAR 2018, Claudio Maccone a insisté pour que des négociations s'ouvrent au sujet d'une zone à protéger (PAC).


Il fut également question du lancement de Queqiao et de Chang'e4 à l'IAC, en particulier lors de la réunion du comité SETI.


Le nombre de sociétés privées était impressionnant.


Il va effectivement devenir urgent de définir des règles du jeu avant que n'importe qui s'arroge le droit de polluer comme il veut, où il veut. 



  1. Outer Space Treaty
  2. J Heidmann, Saha crater: A candidate for a SETI lunar base Acta Astronautica 32(6):471-472 · June 1994.
  3. Claudio Maccone, Lunar Farside Radio Lab. Acta Astronautica 52(6):629-639 · March 2005.
  4. Joseph Silk, Put telescopes on the far side of the Moon, Nature, January 2018. 
  5. E. piotelat, Expo universelle 2025 : La Lune ou Saclay, Juin 2017
  6. RA.479 : Protection of frequencies for radioastronomical measurements in the shielded zone of the Moon
  7. Dutch radio antenna to depart for the Moon on Chinese mission

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