Le multi-message extraterrestre.

Le 17 août dernier, la Terre a reçu un message cosmique. Le secret a été gardé jusqu'au 16 octobre dernier, où il y a eu une explosion d'informations, comme par exemple sur le site de l'IN2P3 [1], du CNRS [2]. La découverte est de taille ! Jusqu'à présent, toutes les ondes gravitationnelles qui ont été détectées par LIGO et VIRGO venaient de trous noirs [3]. Pour la première fois, c'est la fusion d'étoiles à neutrons qui a provoqué ce "Woup" au bout de longues secondes. 

Et si ce message était intelligent ? 

Imaginons que ce message ait été envoyé par une intelligence extraterrestre qui a l'habitude de jongler avec les étoiles à neutron.


Une étoile à neutron a la taille de Paris, mais la masse d'un, de deux, de 3 soleils [4]... Notre intelligence extraterrestre serait donc issue d'une civilisation de Kardashev de type II (capable d'utiliser l'énergie de son étoile) voire de type III (capable d'utiliser l'énergie de la galaxie).

Kilonova

A force de jongler avec des étoiles à neutron, notre ami a engendré une fusion des deux objets astronomiques. Cet événement astronomique est appelé kilonova. D'après le "Open Kilonova Catalog" [5], la première découverte date de 2005.



Multi-message

L'événement du 17 août, baptisé GW170817, n'est que la cinquième observation de kilonova sur Terre, mais c'est la plus spectaculaire. Si on se réfère au catalogue [6], la liste des instruments impliqués est impressionnante. Imaginons qu'un projet SETI détecte un signal intelligent 607 fois avec des télescope optiques, 11 fois avec des radiotélescopes comme le VLA, deux fois sous forme de rayons X et surtout, une fois sous forme d'onde gravitationnelle... Ça laisse rêveur ! 


"Ouap" le 17 août 2017, 14:41:04 à Paris   

Avec les instruments LIGO et VIRGO, on ne pouvait pas manquer l'onde gravitationnelle. Il faut prendre un casque pour apprécier la vidéo ci-dessous et le "ouap" qui commence 53 secondes après le début.

 

Cette onde gravitationnelle a été produite au moment de la fusion des deux étoiles à neutron, il y a 130 millions d'années.

"Bip" deux secondes plus tard

Plusieurs instruments sur Terre observent les sursauts gamma (GRB ou Gamma Ray Burst pour les intimes). Une civilisation qui ne posséderait pas de détecteur d'ondes gravitationnel aurait tout de même été au courant. Le télescope Fermi de la NASA est en orbite depuis juin 2008 [6]. Le satellite INTEGRAL de l'ESA a été lancé le 16 octobre 2002 [7]. L'ESA indique que le satellite détecte environs 20 sursauts gamma chaque année, mais c'est la première fois qu'une telle détection survient juste quelques secondes après qu'un autre instrument ait reçu un signal [8]... 



Lumière ! 

A partir de ces trois observations le 17 août à 14h40, 90 groupes d'astronomes sont prévenus afin qu'ils orientent leurs instruments vers la constellation de l'hydre, dans une zone qui fait 120 fois la taille de la pleine lune d'après le dossier de presse du CNRS [10].  Près de 200 circulaires sont échangées via le réseau GCN (Gamma-ray burst Coordinates Network). Un peu moins de 11h plus tard, une équipe de quatre astronomes américains observent la galaxie elliptique NGC 4993 [9] avec le télescope Swope à l'observatoire Las Campanas au Chili et découvrent la kilonova [11]. Il s'agit de Maria DroutBen ShappeeJosh Simon, et Tony Piro. On voit leur enthousiasme dans cette vidéo !


Un secret gardé par beaucoup de scientifiques.

Uniquement au niveau français, 76 scientifiques de la collaboration LIGO-Virgo ont été impliqués dans la découverte, ainsi que 160 chercheurs d'une trentaine de laboratoires CNRS. Ils ont dû tenir leur langue avant de rédiger des articles, de vérifier leurs observations, pour l'annonce du 16 octobre. Comment cela a-t-il été possible ?

Au niveau de la planète, il suffit de regarder la liste des auteurs de lettre [12] que la revue Nature a reçue le 26 septembre, acceptée le 5 octobre et publiée le 16 octobre, pour se rendre compte de l'ampleur des études menées, et du nombre de personnes impliquées.

Les protocoles SETI

En cas de découverte d'un message émis par une intelligence extraterrestre, est-ce que des scientifiques pourraient prendre ainsi le temps d'étudier les signaux et observations avant d'alerter la presse ? Une déclaration de principe, revue en 2010 [13], stipule entre autre que :

  • Celui qui découvre doit vérifier la détection.
  • Il peut collaborer avec d'autres investigateurs (signataires ou non de cette déclaration).
  • Cela peut inclure d'autres observatoire, et plusieurs organisations.
  • Il n'y a pas d'obligation de divulguer les recherches au moment où les vérifications sont menées.
  • Il ne doit pas y avoir de déclaration prématurées tant que les vérifications ne sont pas achevées.
  • Il faut répondre aux questions des médias rapidement et honnêtement. 

2. Handling candidate evidence: In the event of a suspected detection of extraterrestrial
intelligence, the discoverer will make all efforts to verify the detection, using the
resources available to the discoverer and with the collaboration of other investigators,
whether or not signatories to this Declaration. Such efforts will include, but not be limited to, observations at more than one facility and/or by more than one organization. There is no obligation to disclose verification efforts while they are underway, and there should be no premature disclosures pending verification. Inquiries from the media and news organizations should be responded to promptly and honestly. 

Un tweet et des rumeurs.

A 19h25 le 18 août, J Craig Wheeler écrivait sur Twitter : "Nouvelle LIGO. Source avec une contrepartie en optique. A couper le souffle !" [14]. Le secret n'aura donc été gardé qu'à peine 30 heures après la réception par VIRGO-LIGO-FERMI-INTEGRAL et 20 heures après l'observation en optique avec le télescope Swope. 


J Craig Wheeler fait partie du département d'astronomie de l'université du Texas, mais pas des co-auteurs de la lettre de Nature. [12] Matt Patterson lui a répondu que ce n'était pas très cool de faire cela avant l'annonce de la part de la collaboration.

A 20h43, un autre tweet [15] diffusé dans le cadre du congrès LSST2017 (Large Synoptique Survey Telescop) [16] indique même le nom de la galaxie.

Ces deux tweets ont été peu rediffusés (62 et 40 fois), alors qu'ils sont mentionnés sur le site web de Nature le 24 août 2017 [17].

2 septembre : détection par le VLA. 

Le "Karl Jansky Very Large Array" (VLA pour les intimes) a détecté des ondes radio venant de la fusion des deux étoiles à neutron le 2 septembre avec l'instrument JAGWAR (Gravitational Wave bursts as Afterglows in Radio) puis le 5 septembre. [18]
L'article publié dans science indique que les observations de NGC 4993 ont débuté dès le 18 août, dans de nombreuses bandes de fréquences (0,3 - 10 GHz). C'est finalement à la fréquence de 3GHz que EM170817 a été détecté. [19].

Et c'est tout ?

L'annonce coordonnée du 16 octobre était une opération de communication à l'échelle planétaire, et ça, c'est génial ! S'il y a eu relativement peu d'échos dans la presse, ou plus exactement, si l'on n'a pas eu le flot d'articles putaclics comme avec Ross228 en juillet 2017 [20], c'est peut-être parce que ceux qui étaient susceptibles d'être intéressés, ou simplement de comprendre l'information, n'ont pas attendu les communiqués de presse et la publication de tous les articles scientifiques le même jour.  

Une infographie résume cette découverte. Elle est disponible dans de nombreuses langues  [21] . Qu'il s'agisse de l'émission comme de la réception, la fusion des étoiles à neutrons, a été perçue sous forme d'ondes gravitationnelle (GW170817), de sursauts gamma (GRB170817), d'ondes radio (EM170817), mais aussi dans l'infra-rouge, sous forme de rayons X !
C'est comme dans StarTrek, quand un message est envoyé dans toutes les directions, dans toutes les langues, à toutes les fréquences.


Il n'empêche que si un jour une civilisation extraterrestre nous envoie un message, ce serait sympa de faire en sorte d'avoir une information redondante comme cela ! La détection de GW170817 a montré que la Terre est capable de mobiliser des ressources techniques et humaines de manière instantanée.
  1. Les ondes gravitationnelles font la première lumière sur la fusion d’étoiles à neutrons
  2. Etoiles à neutron, une fusion qui vaut de l'or. 
  3. On a observé des ondes gravitationnelles.
  4. Les étoiles à neutrons.
  5. Open Kilonova catalog
  6. Denis Dumora, Un an d'observation du ciel gamma avec Fermi.  Séminaire le 8 décembre 2019
  7. INTEGRAL
  8. INTEGRAL sees blast travelling with gravitational waves.
  9. NGC 4943 sur Simbad.
  10. Dossier de presse CNRS
  11. A New Era of Astronomy Begins with First Observation of Neutron Star Merger
  12. A gravitational-wave standard siren measurement of the Hubble constant
  13. Declaration of Principles Concerning the Conduct of the Search for Extraterrestrial Intelligence 
  14. Tweet de J.C Craig.
  15. Tweet de Peter Yoachim
  16. LSST à l'IN2P3
  17. Rumours swell over new kind of gravitational-wave sighting
  18. Radio “Eyes” Unlocking Secrets of Neutron-Star Collision
  19. G. Hallinan1, A. Corsi2, and al., A radio counterpart to a neutron star merger, Science, 16 oct. 2017.
  20. Les leçons de Ross 128
  21. Infographie LIGO-G170817 

Commentaires

Olivier Auber a dit…
Il semble que le décalage de quelques secondes entre les signaux gravitationnel et optique pose problème...
https://backreaction.blogspot.be/2017/10/new-gravitational-wave-detection-with.html
Elisabeth a dit…
J'en parle un peu ici.