Les bugs de la mixité sociale

Salut Charlie,

Oui, c'est encore moi et je t'appelle toujours Charlie même si tu ne t'appelles pas Charlie. C'est sans doute l'influence de la carte postale de Mathieu Madénian dans Charlie Hebdo. Tu te souviens de l'histoire des olives vertes et noires de mon précédent billet ?






Orsay, Bures, les Ulis dans le même collège

En ce moment, la ministre, les proviseurs, et plein d'autres gens penchent sur un problème : la mixité sociale. Si j'ai bien compris, au lieu d'avoir des ados des Ulis qui vont soit au collège Aimé Césaire, soit au collège de Mondétour, des ados de Bures qui vont à la Guyonnerie et des ados d'Orsay qui vont à Flemming, on mélange le tout et quelqu'un décide dans quel collège tu iras sans que tu aies à choisir. Tu la vois la bonne ambiance ?

Carte scolaire



A gauche de la ligne jaune, ce sont les Ulis avec les immeubles. A droite, c'est Orsay et ses pavillons. Avec la réforme de la carte scolaire, tu peux imaginer que tous les enfants dont l'immeuble ou la maison apparaît sur cette image iront au collège de Mondétour. De l'autre côté de la ville des Ulis, on a la même chose avec le collège Aimé Césaire entouré de pavillons buressois et d'immeubles ullissiens. Tu peux lire l'article de François Spinner ici

Ca existe déjà

Que tu sois à Bures ou Orsay, tu as sans doute dans ton collège pas mal de copains des Ulis. Leur as-tu demandé pourquoi ils étaient là ?
Certains sont venus après une agression. On ne laisse pas souffrir un enfant. Si à Mondétour ou Aimé Césaire, un collégien est victime de violence, ses parents doivent demander à ce qu'il change d'établissement.  On ne laisse pas souffrir un enfant. Point. Ca ne se discute pas.
D'autres sont venus parce qu'ils avaient déjà un grand frère ou une grande sœur dans ton collège.
Enfin, certains parents ont demandé à ce que l'enfant soit scolarisé ailleurs qu'aux Ulis. L'un des arguments qui "fonctionne" est de mettre en avant le risque d'être entraîné par une bande comme celle qui est venue "rendre leur monnaie de leur pièce".

Si l'académie permet déjà aux parents qui le souhaitent d'inscrire leur enfant dans un collège hors de leur "zone", pourquoi y aurait-il besoin de modifier cette fameuse carte scolaire ? D'autant plus, que les "bugs" sont nombreux.

Bug #1 : Je veux pas aller dans ce collège !

Penses-tu que "Elève de Mondétour" qui a publié le commentaire ci-dessus ait envie d'aller à la Guyonnerie ? J'imagine que tu as très envie d'aller admirer cette espèce de flèche agressive que l'on voit depuis l'extérieur du collège de Mondétour non plus.


Or comment peux-tu avoir envie d'apprendre, si tu es dans un collège qui ne te plaît pas, dans lequel tu n'as pas voulu aller ?

Bug #2 : Vocabulaire vs violence 

Vu depuis les Ulis, le collège de Mondétour est un établissement avec énormément de mixité sociale.

D'après la base de données de l'académie de Versailles, contrairement au collège Aimé Césaire, ce n'est pas un établissement classé "APV". Ce sigle signifie "Affectations à caractère Prioritaire justifiant une Valorisation", c'est-à-dire que pour attirer les professeurs, on leur donne quelques lingots en plus.


Pourquoi ? Simplement parce que les parents des élèves de Mondétour sont plutôt riches. Une bonne partie est propriétaire de son logement ou exerce une profession qualifiée.

Toujours d'après la base de données de l'académie de Versailles il y avait 602 élèves en 2014 dans ce collège. Si dans le pire des cas, 60 élèves sont venus "leur rendre la monnaie de leur pièce" aux collégiens de Bures en utilisant la violence au lieu de discuter, cela ne fait que 10%.

Mais 10% d'élèves qui sont incapables de s'exprimer correctement ou prennent pour une insulte un propos qu'ils n'ont pas compris, cela fait beaucoup !

Bug #3 : Oublions Voltaire !

Il existe d'excellents professeurs, qui savent faire de la pédagogie différenciée, c'est-à-dire utiliser différentes manière de livrer leur savoir en fonction de l'élève. Mais d'après ceux-ci, c'est épuisant, d'apprendre à écrire "nénuphar" à un élève pendant que les autres lisent "Candide" de Voltaire.


Beaucoup doivent choisir. Soit avec le nénuphar, les bons élèves vont s'ennuyer et se demander à quoi cela sert d'aller au collège. Soit, avec Voltaire, les élèves les plus faibles, vont être complètement perdu et dans le pire des cas, semer la zizanie.

Bug #4 : Oublions Darwin !

Cette semaine, l'Obs a publié les résultats d'une étude réalisée entre avril et juin 2015 dans les Bouches du Rhône. Ils ont demandé à 9000 collégiens quelle était leur religion. En gros, 1/3 n'ont pas de religion, 1/3 sont catholiques et le dernier tiers a une autre religion ou dit appartenir à la religion musulmane.  Dans un collège avec forte mixité sociale, on aura cette répartition.




La question suivante fait partie du cours de SVT de classe de 3ième : "Quelle est l'origine des espèces ?".
Un peu plus de 2000 collégiens ont répondu qu'ils ne savaient pas, et le pourcentage ne dépend pas de la religion.
Plus de 3000 élèves ont eu la bonne réponse "Les espèces vivantes sont le résultat de l'évolution". La majorité de ceux-là (2315) dit ne pas avoir de religion, et seulement 137 des musulmans (6%)  ont eu juste.


Aux Ulis, une maîtresse de CP a expliqué à une maman que son enfant était le seul de sa classe à ne pas avoir de religion.
Si un professeur de SVT n'a que des élèves catholiques ou musulmans dans sa classe, il va suivre les recommandations du livre laïcité.
Si un professeur de SVT a majoritairement des élèves sans religion ou chrétienne, il va pouvoir appliquer le programme normalement.
Mais dans un collège mixte, ça risque d'être très compliqué. Soit les élèves scientifiques vont être lésés parce que l'on n'enseignera pas l'évolution, soit les élèves religieux vont se sentir très mal pendant le cours de SVT.

Sous les pavés, la plage ? 

J'ai rencontré trois personnes âgées à proximité du collège Mondétour. L'une a dit "Ah, enfin, ils ont bouché le trou avec du sable". Je leur ai demandé depuis quand il manquait des pierre. Elles m'ont dit environs une semaine. 

Redéfinir la carte scolaire dans une espèce d'utopie soixante-huitarde est une bonne idée en théorie. Mais la carte n'est pas le territoire ! Dans la pratiques, les bugs et autres cailloux sont nombreux.


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