Vous avez dit laïcité ?

Dans "Soumission", Houellebecq parle à plusieurs reprises de laïcité, par exemple page 156, Tanneur déclare :
Et surtout, le véritable ennemi des musulmans, ce qu'ils craignent et haïssent par dessus-tout, ce n'est pas le catholicisme : c'est le sécularisme, la laïcité, la matérialisme athée.
Ces lignes ont bien sûr été écrites avant l'attentat à Charlie Hebdo. Aujourd'hui, elles résonnent comme les cloches d'une église.



Par exemple, au réveil, ce matin, j'ai lu la nouvelle suivante :
Le porte-parole du groupe extrémiste a pointés les "croisés", les "athées", les "juifs", considérés comme "ennemis d'Allah".

Ces propos confirment ceux de Tanneur. Les athées sont sur la deuxième place du podium, devant les juifs. J'ai voulu savoir ce que recouvrait le terme "croisés". Les catholiques comme au temps des croisades ? Les pastafaristes ? Les bouddhistes ? J'ai donc demandé à un moteur de recherche "croisés + islam". J'ai trouvé des pages sur des mots croisés et des discussions sur le droit de croiser ou non ses jambes, mais rien qui éclaire vraiment ma lanterne.

Ce soir, je suis passée chez mon marchand de journaux. Comme la semaine dernière et celle d'avant, le 1 a attiré mon attention. Après l'avoir ouvert une première fois, j'ai lu le poème de Victor Hugo "écrit après la visite d'un bagne" puis le texte de Danièle Sallenave "un devoir de tolérance réciproque". Pour elle, l'enseignement du "fait religieux" doit être confié "à l'école et à ses maîtres, seuls aptes à maintenir une distinction entre savoir et croire..." Elle conclut son article en disant que l'école doit garder les enfants le plus longtemps possible à l'écart de ces champs hautement conflictuels.

En théorie pourquoi pas, mais en pratique, que faire quand son enfant rentre de l'école maternelle en disant "Mohammed m'a traitée de Halouf, parce que que j'ai mangé du jambon à la cantine." ? Comment réagir quand une enseignante de CP donne à lire une phrase avec le mot baptême, puis que l'enfant demande ensuite "maman, c'est quoi une sœur de communion ?" Les champs hautement conflictuels sont là, même chez des bouts de choux de 3 ans. Les parents peuvent rassurer leur enfant en faisant la distinction entre savoir et croire. Mais non, tu ne te transformeras pas en cochon volant (traduction de Halouf). Les parents peuvent écrire un mot à l'enseignante pour lui rappeler que l'école est laïque, ou du moins qu'elle devrait être en mesure d'expliquer ce qu'est une sœur de communion.

En dépliant une nouvelle fois le 1, j'ai trouvé une interview d'Elisabeth Badinter, qui a la même image de la laïcité que la mienne. "Quand on fréquente l'école publique, on mange comme tout le monde". J'ai en effet découvert plus tard que si le menu de la cantine aux Ulis proposait le choix entre escalope de dinde ou jambon, seuls les musulmans avaient le choix. Un enfant qui n'avait pas été déclaré "sans porc" n'avait pas droit à l'escalope de dinde. En revanche, les végétariens étaient priés de ne pas inscrire leurs enfants à la cantine, afin d'éviter que "toute la table refuse de manger de la viande".

Pourquoi les enseignants ne sont-ils pas armés pour affirmer le principe de laïcité ? Elle répond en mentionnant l'objectif de 80% de bacheliers fixé par Chevènement en 1984-86 :
On a fait rentrer des personnes dans les lycées qui n'avaient rien à y faire : elles n'avaient ni le goût d'enseigner, ni les compétences pour.

Même sans remettre en cause le niveau des enseignants et surtout de la direction des établissements scolaires, il est vrai qu'il faut être solide pour répondre aux questions d'enfants. Comme le dit le titre de l'article "Il faudrait d'abord enseigner la laïcité aux parents", mais n'est-ce pas peine perdue, quand on sait que les enseignants des Ulis estiment que 40% des parents ne lisent pas le français ?

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